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Introduction
Sommaire
Objectifs
Feuille de route
Matériel d'intervention
FAQ
Bibliographie
1.  Intervention éducative
2.  École interactionnelle
2.1.  Caractéristiques
2.2.  Contexte
2.3.  Plan du cours
2.4.  Interactions en classe
2.5.  Évaluation du traitement
 4. En classe!

CARACTÉRISTIQUES

Les quatre caractéristiques principales décrites au tableau 4.7 distinguent l'École interactionnelle des autres programmes longs de prise en charge : équipe, objectifs pédagogiques, buts thérapeutiques et douleur. Pour réaliser l'intervention, certains programmes longs font appel à une équipe multidisciplinaire composée de nombreux spécialistes (168). Des instructeurs, psychologue et pédagogue clinicien, animent le groupe. Un neurologue explique les mécanismes de la douleur. Un chirurgien orthopédiste aborde la structure du dos et ses pathologies. Un physiothérapeute démontre les postures recommandées. Un médecin spécialiste en réhabilitation et des ergothérapeutes présentent un vidéo où sont abordées différentes activités quotidiennes (hygiène corporelle, travail, tâches ménagères, loisirs). Dans cet ype d'École, la succession des intervenants oblige chacun des praticiens à mettre l'accent exclusivement sur le contenu. Aucune relation thérapeutique bien établie dans le temps ne leur assure la promotion des changements visés. À l'opposé, l'École interactionnelle met d'abord et avant tout l'accent sur la relation. Pour y parvenir, les deux praticiens qui procèdent à l'évaluation (bilan fonctionel et bilan interactionnel) animent, seuls, les 24 heures de rencontres en groupe. Ils forment ainsi une équipe interdisciplinaire. Dès l'examen physique, le praticien commence à exercer son influence en modulant l'espoir de guérison de son futur client. Ensuite, au lieu de « déverser » ses connaissances en classe, il peut facilement, au fil des rencontres, l'informer, l'écouter et apprendre son « langage ». Le but des rencontres en groupe ne vise pas prioritairement l'acquisition de connaissances. Les objectifs pédagogiques servent avant tout de moyens pour atteindre des finalités thérapeutiques qui procureront au lombalgique une façon nouvelle de voir les choses.

Pour illustrer notre propos, examinons la deuxième étape du programme intitulée « douleur aiguë » (tableaux 4.8 et 4.9). L'objectif pédagogique de cette rencontre : identifier ses cartes de la douleur, les postures temporaires de repli, quelques techniques simples de gestion de la douleur aiguë et, enfin, la différence entre les stratégies à privilégier, à plus long terme, contre la douleur chronique et les stratégies à favoriser, à court terme, contre la douleur aiguë. Pour le lombalgique, cet objectif pédagogique sert avant tout à atteindre un but thérapeutique : s'attribuer un rôle d'expert dans la gestion de ses douleurs lombaires. Grâce aux cartes, il se dote d'un rationnel, d'une « cause logique » à ses douleurs lombaires. Le client dispose dorénavant d'un langage simple pour communiquer avec ses thérapeutes, ses partenaires lombalgiques, sa famille... et son dossier médical. Autrement dit, pédagogie et thérapie jouent un rôle complémentaire et différent. D'une part, l'objectif pédagogique vise l'acquisition de connaissances et d'apprentissages psychomoteurs concrets. D'autre part, le but thérapeutique consiste à aider le client à changer sa vision de lui-même. L'amener, en quelque sorte, à se considérer peu à peu comme étant « capable de composer » avec ce problème.

Enfin, la gestion de la douleur représente la quatrième caractéristique distinguant l'École interactionnelle des autres programmes longs. Nous considérons la douleur comme la plainte principale du lombalgique. À nos yeux, être soulagé de ses douleurs constitue la motivation de base pour participer au traitement. Sans douleur, pas de client dans nos Écoles. Nous ne saurions trop insister sur cette évidence. Tout comportement humain intentionnel dépend largement des conceptions ou prémisses de son auteur. Celles-ci gouvernent ensuite son interprétation des situations, des événements et de ses relations avec autrui. Les opinions du praticien influencent fortement son attitude et ses comportements face au lombalgique. À l'École interactionnelle, la prémisse de départ est simple. Nous reconnaissons de façon explicite que le lombalgique demeure l'unique expert de sa douleur. Il faut donc s'engager ouvertement à répondre à sa demande de soulagement. Pour établir clairement nos intentions, un contrat négocié lors de la première rencontre en groupe précise les buts du client. Ce contrat prend la forme de deux objectifs personnels à atteindre et du pourcentage minimal souhaité de réduction de la douleur. Son niveau actuel de douleur, le lombalgique en évalue l'intensité et l'aspect désagréable à l'aide des échelles visuelles analogiques présentées à la figure 2.10. La recherche démontre que nous surestimons systématiquement la douleur passée (40, 89, 99, 152, 225,226). Pour éviter ce biais du à la mémoire, le lombalgique cote donc à domicile, durant trois jours chaque deux heures pendant ses périodes d'éveil, sa douleur au moment même de tracer un trait sur les échelles prévues à cet effet (voir mesure).

Tableau 4.7 Imprimer Caractéristiques du programme

Élément Programmes longs École interactionnelle
Équipe Multidisciplinaire : plusieurs spécialistes assument des parties du programme selon leur domaine d’expertise. Interdisciplinaire : les deux praticiens qui effectuent les bilans (fonctionnel et interactionnel) assument en exclusivité les douze rencontres en groupe.
Objectifs pédagogiques Ils constituent le but à atteindre. Ils constituent, avant tout, des moyens pour atteindre les buts thérapeutiques.
Buts thérapeutiques Les buts thérapeutiques sont flous ou inexistants. La stratégie d’intervention n’est pas structurée. Elle est laissée au gré du praticien ou du hasard. Elle ne vise pas la relation entre le lombalgique et son entourage. Les buts thérapeutiques sont clairs (tableau 4.9). Pour les atteindre, le praticien utilise une stratégie d’intervention structurée impliquant des tactiques thérapeutiques ( tableau 1.5). La stratégie d’intervention vise la relation entre le lombalgique et des personnes significatives de son entourage (animateurs, lombalgiques du groupe, membres de sa famille et de son milieu de travail).
Douleur

D’une part, le praticien de l’École comportementale ignore systématiquement la douleur du lombalgique. D’autre part, l’École suédoise n’utilise pas, à proprement parler, la douleur dans son approche clinique.

Mesure : évaluation de l’intensité de la douleur à l’aide de questionnaires et d’échelles verbales ou numériques. Cette procédure d’évaluation fait appel à la mémoire.

Le praticien considère la douleur comme la plainte principale (donc comme le coeur de la motivation) du lombalgique. Par contrat, il s’engage à la réduire.

Mesure : évaluation de l’intensité et de l’aspect désagréable de la douleur, à domicile, durant trois jours à l’aide d’échelles visuelles analogiques. Cette procédure d’évaluation ne fait pas appel à la mémoire.

 

L’objectif pédagogique vise l’acquisition de connaissances (changement conceptuel ou apprentissage moteur), alors que le but thérapeutique vise à procurer une nouvelle façon de voir (changement perceptif). Dix tactiques thérapeutiques, découlant de la stratégie interactionnelle développée au premier chapitre, permettent d’atteindre les buts thérapeutiques (tableau 4.9).


Tableau 4.8 Imprimer Douze étapes - objectifs pédagogiques

Étapes Objectifs pédagogiques
1. Contrat (i) Connaître l’ensemble du programme. (ii) Établir un contrat qui définit à la fois le résultat assuré (réduire la douleur lombaire ; atteindre deux objectifs personnels) et le prix à consentir (nombre de minutes par jour à consacrer aux activités prévues tout au long du programme). (iii) Apprendre à évaluer sa douleur à domicile.
2. Douleur aiguë Identifier ses cartes de la douleur, les postures temporaires de repli, quelques techniques simples de gestion de la douleur aiguë et, enfin, la différence entre les stratégies à privilégier à plus long terme contre la douleur chronique et celles, à court terme, à favoriser contre la douleur aiguë.
3. Préparation physique Se mettre en mouvement par des activités cardiorespiratoires, une routine motrice (échauffement, renforcements, étirements) et des exercices de stabilisation du bassin.
4. Préparation mentale Apprendre à agir directement sur la carte musculaire et indirectement sur la douleur chronique.
5. Anatomie Connaître la structure anatomique de la colonne vertébrale et ses liens avec les cartes de la douleur et avec les prescriptions d’exercices.
6. Terrain (i) Identifier les contraintes sur le muscle, les facettes, le disque et sur le disque et muscle. (ii) Trouver des solutions : exercices et postures de vigilance.
7. Médications Différencier le rôle des médications dans la gestion de la douleur aiguë et dans la gestion de la douleur chronique.
8. Douleur chronique Identifier les deux principales caractéristiques des douleurs chroniques et quelques conséquences indésirables à la guérison.
9. Traitements (i) Comprendre l’effet placebo. (ii) Analyser l’efficacité de différents types de traitements. (iii) Apprendre à stimuler ses zones gâchettes.
10. Chirurgie Saisir le rôle de la chirurgie sur la carte musculaire et ligamentaire, facettaire, discale, sur l'instabilité intervertébrale et sur la carte racine nerveuse.
11. Recréer ses douleurs (i) Évaluer le contrat. (ii) Identifier les actions nécessaires pour recréer ses douleurs d’origine musculaire, facettaire, discale, instabilité intervertébrale et racine nerveuse.
12. Relance Identifier les moyens efficaces à long terme de maintenir les acquis.


Tableau 4.9 Imprimer Douze étapes - buts thérapeutiques

Étapes Le praticien amène le lombalgique à...
1. Contrat Adopter des attentes de guérison réalistes et mesurables ; se rendre compte qu’il est le seul en mesure d’évaluer sa propre douleur.
2. Douleur aiguë S’attribuer un rôle d’expert dans la gestion de ses douleurs lombaires.
3. Préparation physique Juger nécessaire de se mettre en mouvement pour réduire ses douleurs chroniques.
4. Préparation mentale Attribuer à ses pensées un rôle direct dans la gestion de la douleur d’origine musculaire et un rôle indirect dans la gestion de la douleur chronique.
5. Anatomie Constater la solidité de l’assemblage vertébral.
6. Terrain Percevoir un lien entre douleur lombaire et mouvements dans le quotidien.
7. Médications Considérer les médications comme une partie du problème des maux de dos chroniques.
8. Douleur chronique Se sentir rassuré sur le fait que ses douleurs chroniques ne sont pas imaginaires ; constater au moins une conséquence indésirable à sa guérison.
9. Traitements Accroître sa croyance dans ses propres capacités à s’autotraiter.
10. Chirurgie Rendre ses attentes conformes au fait que la chirurgie ne constitue que très rarement une solution à la lombalgie chronique.
11. Recréer ses douleurs Se rendre compte du contrôle qu’il exerce désormais sur ses douleurs lombaires.
12. Relance Se voir confirmer dans sa capacité à s’autotraiter.
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