Pour le moment, les mécanismes qui lient attentes du lombalgique et
efficacité d'un traitement sont impossibles à identifier. Pourtant cette
interdépendance paraît indéniable. La recherche sur le changement
thérapeutique et le contrôle de la douleur identifie deux types d'attentes
chez nos clients : expectatives de résultats et
expectatives d'efficacité (8-11). Ainsi, une personne qui a peur
d'une chirurgie vertébrale peut avoir une expectative de résultats
élevée (ceux qui sont opérés se rétablissent habituellement bien), mais une
expectative d'efficacité faible (elle ne croit pas être en mesure de
contrôler suffisamment son anxiété pour subir elle-même avec succès cette
intervention).
Dans le traitement de la lombalgie chronique, les expectatives de résultats
désignent la croyance du client dans le fait que l'accomplissement des tâches
prescrites à l'École interactionnelle entraînera les résultats prévus au
contrat. Pour leur part, les expectatives d'efficacité représentent la
conviction du lombalgique qu'il peut personnellement accomplir les
tâches prescrites à l'École interactionnelle pour atteindre les résultats
prévus au contrat. Comme l'indique le tableau 4.12,
les expectatives d'efficacité découlent de quatre types d'information.
Le feedback de performance issu des expériences antérieures en constitue
le déterminant majeur. Par ordre décroissant et en moindre mesure, le
feedback physiologique de l'organisme, l'expérience vicariante et la
persuasion verbale influencent également ces expectatives d'efficacité.
Par conséquent, dans ses interactions en classe, le praticien se doit de
privilégier d'abord le feedback de performance au détriment de la
démonstration verbale et du discours pédagogique. Évitez de discourir sur les
bienfaits potentiels de la routine motrice. Prescrivez plutôt la pratique, à
domicile et durant les quinze premières minutes des classes, d'une routine
motrice adaptée permettant à chaque lombalgique une réussite rapide confirmée
par la
« mesure de
l'évidence ». De la même façon, tout en tenant compte des contre-indications
possibles, le praticien bâtit un programme d'exercices adaptés aux objectifs
moteurs personnels de son client sans trop se préoccuper des postulats
préétablis soutenant la supériorité du jogging ou de la natation sur la
marche ou la bicyclette, ou encore, sur celle des extenseurs par rapport aux
fléchisseurs. Cette tactique consistant à prescrire des actions à
entreprendre sert également à clôturer chacune des leçons en présentant le
« travail à faire » pour la prochaine rencontre. Comme dans le cas
du feedback de performance, le feedback de l'organisme fournit aussi une
information
essentielle. Si la première découle de facteurs externes, la seconde dépend
du lombalgique lui-même. Après la prescription d'exercices adaptés, leur
exécution sur une base régulière et sur plusieurs semaines procure
inéluctablement une amélioration (69). Une preuve
tangible qui rehausse les expectatives d'efficacité du client envers son
traitement.
Tableau 4.12 Expectatives d’efficacité
Types d’information |
Description |
Feedback de performance |
Le lombalgique réussit une performance proposée par le clinicien (voir mesure de l’évidence). |
Feedback de l’organisme |
Après quelques semaines d’exercice, le lombalgique ressent une amélioration sur le plan physique. |
Expérience vicariante (modeling) |
Le lombalgique observe un modèle pour apprendre à agir (partenaire du groupe ou animateur). |
Persuasion verbale |
Le praticien ou les participants du groupe convainquent le lombalgique. |
|
Les paramètres de l'expérience vicariante façonnent aussi nos interactions
en classe. Un modèle accessible, capable d'une performance légèrement
supérieure à la sienne influence le client. Plus l'écart entre le comportement
du modèle et celui de l'observateur se creuse, moins le modèle exerce
d'influence. Observer à la télévision une contorsionniste prolongeant une
extension arrière au point de faire apparaître son visage entre ses jambes
suscite étonnement et admiration. Une prouesse qui pourtant incite rarement
le spectateur à se lever dans son salon pour tenter de reproduire ce
mouvement spectaculaire. Pour influencer le plus efficacement possible un
lombalgique, faites appel aux autres participants. Pour enseigner le
verrouillage du bassin dans diverses positions, nous offrons les premières
démonstrations. Si un participant réussit à maîtriser cette technique, c'est
lui que nous prenons désormais comme modèle dans le groupe. De plus, les
lombalgiques étant habituellement des gens peu écoutés et souvent isolés,
nous utilisons dès que l'occasion se présente, les avantages du travail en
groupe pour les supporter et les influencer. Imaginons qu'un de vos clients
considère l'activité physique comme primordiale sur les chemins de la guérison.
Il exercera sur ses pairs une influence plus importante que la vôtre. Autant
en tenir compte. En temps opportun, demandez-lui d'exprimer son opinion pour
convaincre un client réticent. De la même façon, l'opinion d'un lombalgique
qui a réduit ou éliminé totalement le recours aux médications pour contrôler
ses douleurs chroniques demeure, aux yeux des autres participants, nettement
plus crédible que celle du praticien sans l'expérience pratique d'un tel
sevrage. Enfin, l'efficacité de la persuasion verbale supporte l'intérêt de
confirmer au lombalgique que vous croyez qu'il peut personnellement accomplir,
en dépit des difficultés, les tâches prévues au programme.
Au moins quatre étapes offrent toujours cette opportunité d'influencer les
attentes des clients. Étape douleur aiguë
- La douleur constitue la plainte
principale, le coeur de la motivation du lombalgique. En montrant des
techniques simples de gestion de la douleur aiguë, l'animateur redonne
espoir au lombalgique. Subtilement, il commence ainsi à influencer ses
expectatives d'efficacité le client se voit déjà de plus en plus
« capables » de réussir le programme.
Étape préparation physique
- Toute amélioration de la lombalgie passe par le changement des
croyances et des peurs qui s'y rattachent (139,
154, 384). En présentant
cette étape, l'animateur questionne à tour de rôle les participants :
ont-ils peur de bouger ? Tout en indiquant clairement qu'ils vont
devoir se remettre en mouvement, il les rassure : certes douloureux
mais jamais dangereux. Il valorise ainsi leurs expectatives d'efficacité en
assurant qu'il les pense capables de faire les exercices prévus : ces
programmes d'activités physiques seront adaptés à chacun en fonction de sa
condition physique de départ, de son évaluation clinique, de son âge, de
son sexe, des exigences de son métier et de ses préférences personnelles
(marche, natation ou autres).
Étape médications
- L'animateur annonce clairement la position de l'École interactionnelle
dans ce domaine. Les médications peuvent servir de béquille dans le cas de
douleurs aiguës. Dans le cas des lombalgies chroniques, elles sont
dommageables. Il faut les éviter. Une position en contradiction nette avec
la position traditionnelle du monde médical. Pour les lombalgiques
médicamentés, l'animateur façonne ainsi leurs expectatives d'efficacité.
Avec son support, celui du groupe et l'entourage significatif du client, il
affirme sa croyance dans l'efficacité du sevrage qui débutera à la septième
rencontre du groupe (module 11).
Étape traitements
- L'animateur façonne des attentes précises chez ses clients en
mentionnant que l'objectif de cette étape vise à développer un esprit
critique face aux traitements disponibles sur le marché. À la fin de l'École,
le participant saura les éviter ou les choisir.
|