L'effet analgésique de la stimulation des zones gâchettes à l'aide de balles
s'explique par le mécanisme de contrôle inhibiteur diffus induit par des
stimulations nociceptives. Un système inhibiteur descendant module aussi
la douleur (figure 2.7). Contrairement à la théorie du portillon, ce type
d'inhibition provient des stimulations nociceptives qui activent un système
descendant mettant en jeu la substance grise périaquéducale, le noyau raphé
magnus et les cornes postérieures de la moelle (14,
101). Selon ce modèle,
une stimulation des fibres à petit diamètre déclenche, vers les neurones
nociceptifs des couches I et V des cornes postérieures de la moelle, un
système d'inhibition descendant issu de la substance grise périaquéducale
et du noyau raphé magnus. Cette activité analgésique est connue sous le
nom de CIDN ou Contrôles Inhibiteurs Diffus induits par des stimulations
Nociceptives (207,208). Ces stimulations activent les neurones du bulbe
rostro-ventral qui inhibent à leur tour l'activité des neurones nociceptifs
des cornes dorsales de la moelle. Contrairement au système de modulation
proposée par la théorie du portillon, le CIDN produit une inhibition
descendante qui ne se limite plus à la région stimulée (83,
354,355).
L'application d'un stimulus nociceptif intense active le pool de neurones
nociceptifs non spécifiques correspondant au segment médullaire activé,
tout en inhibant simultanément des neurones du même type situés ailleurs
dans la moelle épinière. En réduisant l'activité des neurones nociceptifs
non-spéciques, les CIDN atténueraient le bruit de fond et feraient
ressortir l'activité des neurones spécifiques sollicités par la stimulation
nociceptive (209). Selon cette hypothèse, la douleur ne serait pas
uniquement déclenchée par des processus excitateurs, mais par la perception
d'un contraste entre les activités de deux pools de neurones (27). Ce
modèle explique bien l'inhibition généralisée de la douleur produite par
des stimulation intenses, voire pénibles.
Dans le système inhibiteur descendant, le blocage de la réponse nociceptive
se produit dans trois zones différentes. D'abord, dans la région du
mésencéphale où une stimulation au niveau de la substance grise
périaquéducale amène une inhibition du message nociceptif sans influencer
la transmission des autres messages. Une stimulation de la substance grise
péri-ventriculaire de l'hypothalamus produit également le même effet (ces
deux sites sont anatomiquement reliés). L'information parvenant au
mésencéphale arrive principalement de la partie antérieure du bulbe, de la
moelle épinière et du lobe frontal. L'information provenant de la moelle
joue ici un rôle prépondérant. Ensuite, l'inhibition de la réponse
nociceptive peut se produire dans la région rostro-ventrale du bulbe. Cette
région comprend notamment le noyau raphé magnus et la formation réticulée
du bulbe. Elle reçoit ses informations principalement de la substance grise
périaquéducale et de la formation réticulée adjacente au mésencéphale.
Enfin, l'inhibition du message nociceptif se produit aussi dans la région
latérale et dorso-latérale de la protubérance annulaire. Peu étudiée, cette
zone territoire envoie des projections vers la substance grise
périaquéducale, la partie rostro-ventrale du bulbe et la moelle épinière.
Le funicule dorso-latéral constitue le relais descendant entre les deux
régions mentionnées et la moelle épinière. Toutefois, peu de projections
directes relient la substance grise périaquéducale et le funicule
dorso-latéral. La majeure partie de l'information passe probablement
d'abord par la partie rostro-ventrale du bulbe avant de rejoindre les lames
I, II et V de la moelle via le funicule dorso-latéral (100).
Figure 2.7 Mécanismes de modulation de la douleur
Mécanismes de modulation de la douleur dans le système nerveux central.
1= Contrôle médullaire (théorie du portillon) un interneurone inhibiteur de
la substance gélatineuse, recruté par les grosses fibres non douloureuse (A-alpha),
bloque l'activité des fibres nociceptives (A-delta et C).
2= Contrôle inhibiteur diffus induit par des stimulations nociceptives (CIDN)
l'activation des nocicepteurs déclenche un système inhibiteur descendant
diffus. 3= Contrôle des centres supérieurs du système nerveux central :
plusieurs structures des centres supérieurs modulent la perception de la
douleur (SGPA: substance grise périaquéducale, NRM: noyau raphé magnus).
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Deux neurotransmetteurs participent au contrôle exercé par le système
inhibiteur descendant : les transmetteurs biogéniques aminés et les
opiacés. Dans le cas des transmetteurs aminés, les projections
issues de la région rostro-ventrale du bulbe comprennent des neurones
sérotoninergiques. Les zones issues de la région pontine tegmentum
contiennent des neurones noradrénergiques. Leur action médullaire est
rendue possible par des récepteurs adrénergiques alpha2 concentrés
dans les lames supérieures de la moelle. À l'évidence, la sérotonine,
issue des neurones sérotoninergiques, agit directement sur les neurones
de la corne dorsale pour les inhiber. Pour leur part, les opiacés figurent
parmi les analgésiques connus les plus puissants. Leur efficacité
s'explique en grande partie par les récepteurs opiacés spécifiques
contenus dans certaines synapses des lames supérieures de la corne dorsale,
de la substance grise périaquéducale et probablement aussi de la substance
grise rostro-ventrale du bulbe, une région moins bien étudiée. D'un autre
côté, certains neurones renferment des dérivés d'opiacés libérables lorsque
la situation le requiert. Les concentrations les plus marquées
d'enképhalines se trouvent dans le système nerveux sympathique, l'intestin
et les cellules chromaffines des surrénales. Les dynorphines, retrouvées
aux mêmes endroits mais dans des cellules différentes, et les endorphines-ß
en contiennent aussi.
Il reste encore à découvrir au niveau des mécanismes assurant le
fonctionnement des contrôles descendants. De nombreux neurotransmetteurs,
dont plusieurs peptides, ont été identifiés particulièrement au niveau de
la colonne dorsale. Certains d'entre eux y jouent probablement un rôle
inhibiteur. Ainsi, les neurones sérotoninergiques agissent directement et
de façon postsynaptique sur les cellules de la corne dorsale. Ils
influencent aussi des interneurones contenant des enképhalines qui, en
retour, interviennent post-synaptiquement sur les cellules de la corne
dorsale. De plus, la terminaison centrale de plusieurs afférents primaires
possède des récepteurs opiacés. Ainsi l'interneurone contenant des
enképhalines pourrait agir, de façon présynaptique, sur l'afférent primaire
en limitant la décharge transmise à la cellule de la corne dorsale.
L'application de stimuli prolongés et intenses déclenchent l'action
analgésique des opiacés. Mais le stress, la peur ou l'anxiété la favorisent
encore davantage !
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