Les interventions éducatives de courtes durées constituent le second niveau
d'interventions utilisées pour lutter contre la lombalgie. Elles ont meilleure
presse que les messages publicitaires. Essentiellement, elles tentent de
maximiser la récupération en diminuant le temps de convalescence et en
intervenant directement sur le poste de travail du lombalgique. La stratégie
éducationnelle la plus simple consiste ici à dissocier période aiguë et période
subaiguë. Dans la période aiguë, en l'absence de signes alarmants à caractères
spécifiques, d'irradiation de la douleur sous le genou, de perte de sensibilité
ou de motricité, le message le plus efficace consiste à éduquer les lombalgiques
à ne pas rechercher de support médical. Ils évitent ainsi de transformer en
pathologie douteuse ce qui ne restera habituellement qu'un inconfort passager
de brève durée. La gestion de cette phase obéit à des directives médicales
simples et efficaces. Règle générale : « Avec les patients souffrant de
lombalgie aiguë, continuer les activités ordinaires à l'intérieur des limites
permises par la douleur procure une récupération plus rapide que le repos au
lit ou des exercices de mobilisation du bassin (234, p. 351).
Cette règle ne s'applique évidemment plus lorsque toutes les activités
ordinaires se situent en dehors des limites permises par la douleur. Patients
pliés en deux, déjetés latéralement ou incapables de respirer : les urgences
d'hôpitaux témoignent de la détresse de ces lombalgiques. Lors d'attaques
brutales et pour des lombalgiques qui souffrent jusqu'au bout des ongles, deux
à trois jours de repos au lit en position de délestage constituent un strict
minimum pour soulager un syndrome de facettes ou contrôler une sciatalgie
importante.
Pour sa part, la période subaiguë pose un problème plus délicat. Les
lombalgiques absents du travail entre quatre et six semaines risquent de
basculer dans la catégorie des chroniques. Le repos au lit, efficace dans la
phase initiale, produit ici un problème iatrogène (383).
Les lombalgies ne justifient pas plus ces mises au repos prolongé que les
crises cardiaques ou les accouchements. Même les patients âgés, souffrant de
fractures et soumis à des chirurgies majeures, se voient aujourd'hui proposer
des programmes agressifs de rééducation physique. À défaut de prévenir cet état,
les interventions de courte durée, centrées sur l'amélioration du syndrome de
déconditionnement moteur, démontrent que l'amélioration de la mobilité, de la
force et de la condition physique générale permettent à ces lombalgiques de
revenir au travail bien avant ceux, laissés à eux-mêmes, d'un groupe contrôle
(223). Un gain significatif de cinq semaines dans le
cadre d'une intervention peu coûteuse dont le contenu ergonomique s'adapte
facilement aux exigences du milieu de travail. Une recommandation claire :
des mouvements adaptés visant à améliorer le syndrome de déconditionnement
moteur constituent la base d'un retour fonctionnel rapide chez ces lombalgiques
à risques (117). Un message plus discret à l'intention
des praticiens : la peur du mouvement reste souvent l'obstacle le plus
difficile à vaincre durant cette phase (384). Cette
réaction normale de peur découle souvent de l'origine de la blessure ou du
pairage initial entre douleur et mouvement.
Plus d'une douzaine de programmes courts destinés au lombalgique en phase
subaiguë ont vu le jour au cours de la dernière décennie
(6,19,25, 110,
130,134, 190,
222,223,245,
274, 297, 412).
Parmi eux, le programme, original ou modifié, de l'École suédoise du dos
demeure le plus utilisé (412). Il s'adresse à des groupes
de 6 à 8 lombalgiques. Quatre rencontres sur une période de deux semaines
permettent de couvrir les contenus présentés au tableau 4.3. Une analyse
ergonomique en milieu de travail complète si nécessaire cette démarche. Un
montage audiovisuel supporte la partie didactique. Squelettes et vertèbres
illustrent le fonctionnement biomécanique de la colonne vertébrale. Lors de la
dernière rencontre, un questionnaire sert à évaluer les connaissances des
participants.
Tableau 4.3 École suédoise du dos
Étapes |
Contenus |
1 |
Importance du facteur temps dans la guérison. Apprentissage des postures de délestage au repos (la suite des cours favorise l’utilisation de ces postures). |
2 |
Identification des contraintes mécaniques exercées sur la colonne vertébrale et des techniques de délestage sur le disque. Relaxation des muscles de la partie dorsale haute. Analyse des postures de travail. Importance d’un bon corset musculaire, de préférence des abdominaux à entretenir par un entraînement quotidien. |
3 |
Soulevé et transport des charges lourdes. Stratégies à utiliser durant une attaque aiguë. |
4 |
Importance de l’activité physique chez le lombalgique. Les exercices dans l’eau sont particulièrement recommandés au tout début. |
|
Pour analyser les bénéfices des programmes éducationnels courts, il faut tenir
compte d'un certain nombre de problèmes méthodologiques. Les recherches
utilisant les différences entre pré et post test démontrent certes un
changement significatif (245, 359359).
Mais rien ne permet d'attribuer cette amélioration à l'intervention elle-même.
Simple écoulement du temps, repos au lit, médications antalgiques ou
anti-inflammatoires pourraient probablement revendiquer des résultats identiques
à un coût moindre. En phase aiguë (moins de 7 jours), la majorité des
lombalgiques récupèrent dans la ou les semaines suivant la crise, avec ou sans
intervention. Chez les lombalgiques en phase subaiguë, un groupe contrôle
pondère les effets statistiquement toujours favorables du temps écoulé par
rapport aux gains dus à la thérapie. La répartition au hasard des lombalgiques
entre les groupes valide la procédure. En phase subaiguë (entre 7 jours et 6
semaines), quelques recherches bien contrôlées (19,25)
créditent la démarche éducationnelle, alors que d'autres ne signalent aucune
différence significative entre une École du dos et un groupe contrôle
(222). L'ajout d'un nouveau traitement dans ce genre de
recherche ne permet que rarement de hiérarchiser leurs effets. Entre la
physiothérapie conventionnelle et l'approche éducationnelle ou comportementale,
certains cliniciens recommandent l'approche éducationnelle (274),
d'autres l'approche comportementale (110), alors que
d'autres encore n'observent, entre les deux, aucune différence
(3, 288). Un modèle clinique de type
McKenzie semble donner de meilleurs résultats qu'une « mini » école
des dos (348). Pourtant, la comparaison entre un travail
en flexion avec l'accent mis sur les mobilisations pelviennes, une thérapie
manuelle et un groupe bénéficiant d'instructions, ne démontre aucune différence
entre les groupes (416). Enfin, comme l'indique le
tableau 4.4, les interventions éducatives de courtes durées ne sont pas
efficaces dans le cas de la lombalgie chronique (190).
Tableau 4.4 Efficacité des programmes courts
Lombalgie |
Résultat |
Aiguë (< 7 jours) |
Inefficace |
Subaiguë (< 6 semaines) |
Efficace |
chronique (> 6 mois) |
Inefficace |
|
|