Ce syndrome, d'abord décrit par Troisier (365,366), reçoit
aujourd'hui un regain d'attention (323). Six indices
le décrivent :
signes négatifs,
signes positifs,
signes de l'examen clinique,
signes radiologiques,
formes cliniques et
instabilité du rachis.
1. Signes négatifs
La douleur lombaire prédomine sur la douleur irradiée. Celle-ci dépasse
rarement le genou. Elle est souvent bilatérale et de topographie plus
imprécise que la douleur radiculaire. Il n'existe ni paresthésie ni signe
de Lasègue. Parfois, un simple Lasègue lombaire se manifeste avec tension
des ischio-jambiers. Ce signe disparaît en position assise ou à genoux en
flexion du tronc. On ne retrouve pas de point poplité et la flexion
forcée de la cheville est indolore. L'examen neurologique s'avère normal et
l'examen biologique négatif. La saccoradiculographie montre parfois des
images de protrusions banales par relâchement du ligament longitudinal
dorsal sur une posture en hyperlordose. Le scanner est souvent trompeur
et les images observées n'ont de valeur que dans un contexte clinique
précis.
2. Signes positifs décrits par Maigne (233)
L'examen segmentaire donne les signes directs de souffrance des segments
intervertébraux lombaires. Les manoeuvres décrites ou illustrées ci-dessous
déclenchent la douleur.
a - Une pression axiale de l'épineuse. Une cause d'erreur toutefois :
la sensibilité par apophysite de l'épineuse.
Pression axiale de l'épineuse
La pression des deux pouces, ferme, progressive et maintenue pousse
la vertèbre vers l'avant.
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b- La pression latérale de l'épineuse provoquant la rotation de la
vertèbre sollicitée.
Pression latérale sur l'épineuse
Elle s'effectue à partir d'un contre-appui de sens opposé sur
l'épineuse de la vertèbre sus ou sous-jacente.
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Pression latérale contrariée sur l'épineuse
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c- La pression sur le ligament inter-épineux à l'anneau d'une clé (à dissocier d'un syndrome inter-épineux)
d- La pression sur les articulations inter-apophysaires postérieures.
Les signes indirects : le syndrome cellulo-ténopériosto-myalgique à
topographie pseudo-radiculaire dans le sclérotome. Le pincé-roulé révèle
alors une zone cellulalgique indurée.
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Technique du pincé-roulé |
Zone cellulalgique sur la crête iliaque |
La localisation peut varier :
- la face postérieure du mollet (L5 S1),
- à la face postéro-externe de la jambe (L4 L5).
À la pression, se retrouvent des cordons indurés, très douloureux sur certains muscles comme :
- le grand fessier, le pyramidal, le soléaire, les jumeaux externe (L5 S1),
- le moyen fessier (L4 L5).
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Douleurs référées cellulo-téno-myalgiques L5 S1 avec téno-myalgie au niveau du grand fessier (1), du pyramidal (2), du biceps crural (3), du jumeau externe (4) et une zone cellulalgique au niveau du mollet (5). |
Douleurs référées cellulo-téno-myalgiques L4 L5 avec myalgies au niveau du moyen fessier et du fascia lata (6), tendinalgie du moyen fessier sur le trochanter (7), myalgie au niveau des extenseurs des orteils (8) et cellulagie externe de la jambe (8). |
Le ponçage de certaines zones d'insertion tendino-périostée est positif :
- le biceps à son insertion sur le péroné (L5 S1),
- le moyen fessier à son insertion sur le trochanter (L4 L5).
3. Signes de l'examen dynamique
Ils se manifestent par :
une perte de souplesse en flexion avec tension des
ischio-jambiers et raideur segmentaire lombaire (test de Schober) ;
des douleurs en hyperextension debout, en décubitus
ventral et en décubitus dorsal avec décollement du bassin et appui sur
les talons ;
une perturbation du rythme lombo-pelvien avec
douleurs en position extrême de flexion et lors du retour en extension
sur certains secteurs angulaires. La sédation intervient en position de
cyphose accroupie ;
la mobilité révèle unilatéralement d'autres secteurs
douloureux, voire limités, en rotation et inclinaison latérale ;
certaines épreuves confirment la répartition inégale
du poids du corps sur les deux membres inférieurs avec parfois une
attitude antalgique de détente (fil à plomb, test des deux balances) ;
l'examen musculaire montre le déconditionnement avec
insuffisance des groupes musculaires antérieurs (abdominaux) et une
tension-rétraction des groupes de la chaîne musculaire postérieure du
tronc et des membres inférieurs ;
la présence de ce que Troisier décrit comme des
douleurs brèves et brutales « en coup de poignard », d'une
durée d'une seconde ou moins. Un contre coup comme manquer une marche,
mettre un pied dans un trou imprévu ou même se déplacer sur un terrain
inégal déclenche cette douleur brève et caractéristique. Les patients en
décrivent d'autres comme celles qui résultent d'une posture en légère
flexion antérieure maintenue lors de la toilette, du repassage, de la
vaisselle ou du travail devant un établi. Des changements de position
les occasionnent aussi lors des retournements au lit, du passage de la
position assise à debout ou vice-versa.
4. Signes radiologiques
Plus tardifs que les signes cliniques, les signes radiologiques révèlent
des stades d'instabilité segmentaire intéressant un ou plusieurs segments
(tableau 3.3). Certes classiques, ils ne présentent pas d'intérêt au niveau
du pronostic car il n'existe aucune concordance entre ces stades et la
douleur lombaire. L'imagerie n'a ici qu'un intérêt diagnostique pour
éliminer les causes médicales graves et les douleurs référées. Les clichés
radiographiques dynamiques que certains auteurs préconisent pour chiffrer
l'instabilité restent à préciser (273,
312). La sensibilité et la spécificité des signes
évoqués au scanner et en IRM restent aussi à confirmer. L'existence de
troubles statiques constitue un élément à ne pas négliger. L'hyperlordose
entraîne une augmentation des contraintes de l'arc postérieur et une perte
d'élasticité en tension des fibres antérieures de l'annulus. Les scolioses
lombaires avec rotation provoquent une répartition inégale des contraintes
accompagnées de souffrance articulaire postérieure au niveau de la
concavité. Les anomalies transitionnelles avec L5, sacralisée ou encastrée
dans des crêtes hautes, entraînent une surcharge et une instabilité
segmentaire L4 L5, segment hypermobile et donc vulnérable au dessus du
dernier segment fixe. Les séquelles de dystrophie rachidienne de
croissance entraînent des modifications vertébrales (cunéiformisation,
allongement du diamètre sagittal, signe de Knuttson). Ces altérations
retentissent sur la dynamique du segment intervertébral et sur l'arc
postérieur. Les radiographies dynamiques peuvent montrer le niveau
d'instabilité à un stade précoce mais nécessitent ensuite des analyses
cinématiques complexes. Le scanner souligne l'arthrose postérieure et
l'aspect du canal. L'asymétrie des facettes serait relativement fréquente,
conséquence de la détérioration du segment intervertébral avec apparition
de l'instabilité douloureuse par asymétrie des contraintes sur les deux
facettes et apparition d'un couple de rotation.
Tableau 3.3 Quatres stades de Mac Nab (229)
Stade 1 |
Instabilité segmentaire avec éperon de traction antérieur, témoin de la rupture de la plaque cartilagineuse. |
Stade 2 |
Hyperextension segmentaire avec perte du parallélisme vertébral et décoaptation articulaire postérieure. |
Stade 3 |
Spondylolisthésis dégénératif avec déformation articulaire postérieure. |
Stade 4 |
Pincement discal symétrique ou asymétrique avec rotation des dernières vertèbres parfois génératrice d’une scoliose dégénérative tardive. La subluxation articulaire postérieure est alors évidente avec rupture du S de Hadley et croisement de la ligne de Mac Nab (plateau inférieur de la vertèbre) avec l’articulation supérieure. |
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5. Formes cliniques
Le dérangement intervertébral mineur (DIM) décrit par Maigne constitue une
forme précoce d'instabilité observée chez le sujet jeune, se manifestant
sur un mode aiguë, intéressant un segment et à topographie unilatérale.
L'examen montre une limitation, voire un blocage correspondant à certains
secteurs spécifiques de mobilité. La radiographie est habituellement normale
ou révèle un stade 1 ou 2.
Plus discuté, le syndrome articulaire postérieur de Goldwaith se
présenterait sous un aspect chronique chez le patient plus âgé
(après 45 ans). Il intéresse au moins deux segments et présente une
topographie souvent bilatérale. Tous les signes sont présents et la
radiographie révèle les stades 3 et 4. Dans tous les cas, il est important
de reconnaître et de traiter cette pathologie de la branche postérieure
afin d'éviter, ici aussi, la chronicité (335).
6. Questionnaire sur l'instabilité du rachis (tableau 3.4)
Recommandé par l'Association Orthopédique Japonaise, ce questionnaire
évalue le plus objectivement possible la condition d'un patient
(244). Il assigne aux signes objectifs et à certains
facteurs subjectifs une valeur chiffrée permettant une décision plus
objective face aux patients chirurgicaux. Arthrodèse ou arthroplastie ?
Même s'il n'existe pas de scores standardisés, ce questionnaire propose une
stratégie décisionnelle dans laquelle les signes neurologiques occupent
une place prépondérante.
En conclusion, le diagnostic de sciatique référée impose :
- (i) d'éliminer soigneusement une cause organique ;
- (ii) d'éliminer les douleurs référées où l'instabilité segmentaire
vertébrale n'est pas en cause ;
- (iii) de reconnaître le syndrome postérieur aigu ou chronique ;
-
- (iv) de ne pas somatiser à l'extrême un certain nombre de douleurs
atypiques à l'origine incertaine.
-
Concernant le syndrome de souffrance du segment intervertébral ou
d'instabilité segmentaire, les recommandations sur la pertinence de la
participation à un traitement de type « École du dos » se retrouvent dans
les tableaux cliniques
(tableau 3.7).
En l'absence de signes neurologiques (déficit moteur, sensitif ou
urinaire), ces recommandations sont habituellement favorables.
Tableau 3.4 Questionnaire sur l’instabilité du rachis
Japanese Orthopaedic Association's Assessment of Surgical Treatment of Low Back Pain (JOA Score)*
I. Les symptômes subjectifs (9 points)
A. Douleur lombaire
a) Aucune 3
b) Douleur occasionnelles légère 2
c) Douleur fréquente légère ou occasionnelle sévère 1
d) Douleur sévère fréquente ou continue 0
B. Douleur dans la jambe ou picotements
a) Aucune 3
b) Symptômes occasionnels légers 2
c) Symptômes légers fréquents ou occasionnels sévères 1
d) Symptômes sévères fréquents ou continus 0
C. Marche
a) Normale 3
b) Capable de marcher plus de 500 m quoique provoquant 2
de la douleur, des picotements ou des faiblesses
musculaires
c) Incapable de marcher plus de 500 m à cause de 1
douleur dans la jambe, de picotements ou de
faiblesse musculaire
d) Incapable de marcher plus de 100 mètres à cause de 0
douleur dans la jambe, de picotements ou de
faiblesse musculaire
II. Les signes cliniques (6 points)
A. Test de lever de la jambe tendue (incluant les ischio-jambiers contracturés)
a) Normal 2
b) 30° - 70° 1
c) < 30° 0
B. Perturbations sensorielles
a) Aucune 2
b) Perturbation légère (non subjective) 1
c) Perturbation marquée 0
C. Perturbations motrices TMT**
a) Normal (grade 5) 2
b) Légère faiblesse (grade 4) 1
c) Faiblesse marquée (grade 3-0) 0
III. Restriction de la mobilité (14 points)
S M A ***
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a) Se retourner en position allongée 0 1 2
b) Se tenir debout 0 1 2
c) Se laver 0 1 2
d) Se pencher vers l’avant 0 1 2
e) Rester assis une heure 0 1 2
f) Lever ou tenir des objets 0 1 2
g) Marcher 0 1 2
IV. Fonctionnement urinaire (-6 points) (Incontinence, rétention urinaire)
a) Normal 2
b) Dysurie modéré -3
c) Dysurie sévère -6
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*** A = aucun; M = modéré; S = sévère.
** Testing musculaire manuel. Grade 5 (normal, 100%); Grade 4 (bon, 75%); Grade 3 (moyen, 50%); Grade 2 (faible, 25%); Grade 1 (très faible, 10%), Grade 0 (0%).
* Tiré de : Matsunaga S. (1990). Natural history of degenerative spondylolisthesis. Spine, 15, 295-299. Reproduction autorisée.
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