Les éléments recueillis durant l'évaluation médicale font partie de l'approche
du patient en tant « qu'objet scientifique ». Dans le recueil de
cette information, la position one up se justifie parfaitement. Cette
démarche obéit à un modèle cartésien et linéaire. Le médecin cherche à
établir les relations entre les observations cliniques, les symptômes du
patient et les causes de sa lombalgie. Son diagnostic doit être partageable
avec l'ensemble de la communauté scientifique. Sur le plan médical, on
réfère d'abord à une taxonomie claire pour sélectionner les patients de
l'École du dos. Dans le terme low back pain, les Anglo-saxons englobent
l'ensemble de la pathologie lombaire. Une différence importante avec les
pays francophones. Pour nous, lombalgie commune et lomboradiculalgie se
distinguent nettement. Pour l'établir, rationnel de la douleur lombaire et
examen clinique restent essentiels. Dans le cas des lombalgies chroniques,
l'examen physique, l'anamnèse, l'imagerie médicale et les tests
complémentaires aboutissent aux tableaux cliniques
(tableau 3.7). Quinze à
vingt pour cent des causes de la lombalgie chronique trouvent là une
explication satisfaisante (81). Pour le reste, environ
80 % des patients, un diagnostic définitif ne pourra être porté à cause
des faibles liens existants entre les symptômes, les changements pathologiques
et les résultats de l'imagerie médicale. Nous assumerons alors que la plupart
de ces cas appartiennent, soit à des problèmes musculo-ligamentaires, soit
au tableau dégénératif (81).
L'évolution dégénérative du dos, un processus normal de vieillissement,
porte sur un élément particulier : le segment mobile de Junghans. Ce
trépied vertébral se compose d'un disque et des deux articulations inter
apophysaires postérieures : les facettes. Partie intégrante du complexe
vertébral, ce trépied assure la mobilité de la structure dans les trois
plans de l'espace. Les altérations d'un des éléments de ce trépied se
répercutent habituellement sur les deux autres (175).
Trois phases accompagnent ce processus dégénératif. En premier lieu, une
phase de dysfonctionnement caractérisée par les syndromes articulaires
postérieurs et le syndrome de la hernie discale. Ensuite, une phase
d'instabilité marquée parfois par une sténose latérale dynamique et un
spondylolisthésis dégénératif. Enfin, une phase de stabilisation signalée,
dans certains cas, par une sténose latérale permanente et une sténose
centrale. Au terme de cette évolution s'installe une spondylose dégénérative
étagée. Rien de bien alarmant. Malheureusement, l'apparition de troubles
neurologiques complique parfois ce processus normal de vieillissement.
En phase 1 (35-45 ans), une radiculalgie par compression discale se
rencontre occasionnellement. En phase 2 et 3, on dépiste parfois un syndrome
de claudication radiculaire par compression osseuse accompagné d'un déficit
progressif des fonctions sensorielles ou motrices. L'imagerie actuelle et
les données électrologiques (E.M.G., P.E.S.) confrontées à la clinique,
surtout dans le diagnostic du canal lombaire étroit, permettent de bien
cerner ce niveau de souffrance neurologique. Avec l'existence de ce syndrome
radiculaire vrai en phase évolutive apparaît la première contre-indication
à une École du dos. Quelques conseils d'usage, repos et traitements médicaux
apparaissent plus appropriés dans ce cas. Par contre, 90% des hernies
discales régressent et évoluent favorablement durant la première année
(400). Encore faut-il, sur une aussi longue période,
entretenir l'espoir de guérison tout en évitant au patient d'espérer une
réduction irréaliste de sa douleur. Quand elles sont absolument nécessaires,
les techniques chirurgicales de décompression font aussi de bons candidats
à l'École du dos. Si l'évolution est souvent favorable sur le plan de la
radiculalgie, le chirurgien ne construit pas un nouveau dos. Ce qu'il était
avant, le rachis le restera après l'intervention. À la suite d'une
décompression radiculaire réussie, le patient devrait donc être encouragé à
reprendre en charge sa guérison. Un souhait toutefois : diminuer le
temps consacré à corriger certains des effets iatrogènes (instabilité ou
fibrose épidurale) créés par les chirurgies (39,
198).
D'autre part, toutes les structures arthro-ligamentaires ou musculaires
sont innervées. Le sympathique (nerf sinu-vertébral uni à la branche
antérieure des nerf rachidiens) innerve la périphérie de l'annulus discal.
Les branches postérieures des nerfs rachidiens atteignent le niveau des
articulations postérieures, des ligaments et des muscles. À cette innervation
sensitive se juxtaposent mécanorécepteurs, organes tendineux, fibres
spécialisées A, d et C. Celles-ci réagissant à des médiateurs spécifiques
(substance P) libérés dans la périphérie discale, les capsules et au niveau
du ganglion rachidien. Tous les messages sensitifs et nociceptifs convergent
vers la couche 5 de REXED dans la corne postérieure. Pour le clinicien, une
réponse douloureuse souvent équivoque ! Une réponse douloureuse
toujours difficile à interpréter. Dans la lombalgie, surtout la lombalgie
chronique, il est difficile pour un examinateur d'identifier le point de
départ de la douleur. Un phénomène multifactoriel obéissant à un modèle
circulaire de la douleur : le trépied vertébral et le segment mobile
forment un ensemble biomécanique interdépendant. L'évolution dégénérative
est souvent concomitante à l'ensemble des structures. À trop vouloir
focaliser sur un élément responsable de la douleur, nous avons oublié
l'unité fonctionnelle rachidienne se comportant comme une structure
arthro-ligamentaire et musculaire. Des auteurs avancent l'hypothèse d'une
corrélation possible entre les observations cliniques, l'évolution
dégénérative de la colonne lombaire et la douleur pour le syndrome
articulaire postérieur (278) et le syndrome discal
(121). Mais la nosologie n'est pas absolue sur le
plan clinique entre le facteur discal, le facteur articulaire et le facteur
musculo-ligamentaire.
Plutôt que de rechercher une cause précise à l'origine de chaque cas,
l'examen médical devrait plutôt tenter de répondre à trois questions
fondamentales.
- Première question : La lombalgie découle-t-elle d'une
pathologie, d'une douleur référée autre que rachidienne dégénérative ?
- Deuxième question : Existe-t-il une compression radiculaire requérant
une intervention chirurgicale ou s'agit-il d'un syndrome segmentaire avec
pseudo-radiculalgie ?
- Troisième question : Doit-on recommander la participation
aux École du dos ?
Bien structurée, le bilan médical devrait s'achever soit sur un diagnostic
clair et reconnu à l'intérieur d'un tableau clinique ou dégénératif, soit
sur des hypothèses plus pragmatiques et plus interactionnelles. Après son
bilan médical, et dans le cas de patients dont les douleurs excèdent
six mois, le médecin devrait se prononcer sur la pertinence d'une
participation à un traitement de type « École du dos ».
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