1. Tendomyoses, tendino-myalgies ou myogéloses ou fibromyosites
Rachis (racis en grec) équivaut aussi à épine dorsale, une épine dorsale
rigide. Trop longtemps ignoré dans la taxonomie médicale, le facteur
musculo-ligamentaire participe pourtant à la stabilité de l'ensemble
vertébral et à sa mobilité. À la différence des articulations des membres,
les trois articulations coaxiales du trépied vertébral sont incapables de
se verrouiller passivement. Des ligaments les stabilisent. Richement
innervés, ils occasionnent parfois des douleurs de type signal d'alarme à
la suite de lésions ou de surmenage. Lors d'un dysfonctionnement segmentaire,
ces douleurs s'accompagnent d'une réponse musculaire réflexe de type spasme
réactionnel. Les muscles paravertébraux agissent en plus comme des freins
actifs stabilisateurs de nos mouvements. Travell a jadis évoqué un syndrome
myofascial à l'origine de certaines douleurs dorsales
(361,363). Il s'agit d'un syndrome souvent critiqué
(169, 184) et difficile à
reproduire (286) dans l'examen clinique ! Mais,
quoique différent, le terme de syndrome de déconditionnement physique nous
apparaît préférable à la classification précédente. Par rapport à des sujets
sains, les études récentes isocinétiques des muscles du tronc chez les
lombalgiques démontrent en effet une diminution relative de la force des
fléchisseurs de l'ordre de 20 %. La réduction de celle des extenseurs
approche 45 %. Le rapport fléchisseurs-extenseurs tend à se rapprocher de 1
chez le lombalgique. Chez les sujets sains, cette relation se situe entre
0,7 et 0,8 (173). Les muscles rotateurs n'y échappent pas
(249). Dès les vitesses moyennes (60°/sec.), la
réduction de leur force atteint 30 %.
Atteints de ce syndrome de déconditionnement physique, certains lombalgiques
assument alors difficilement la charge de travail exigée par leurs activités
professionnelles (maçon, déménageur, camionneur, etc.). Pourtant leur examen
clinique reste pauvre ; l'imagerie peu inquiétante sur le plan de la
dégénérescence. À l'opposé, malgré une colonne lombaire très détériorée en
imagerie, certains patients dont la condition musculaire et physique est
restée bonne ne souffrent que peu ou pas. Il s'agit probablement de troubles
musculaires fonctionnels douloureux, aigus ou chroniques, sans substratum
biologique ou anatomo-pathologique connu (voisin de la crampe musculaire par
surmenage ou par mauvaise utilisation). À l'examen, le muscle est
douloureux avec présence de zones hyperalgiques (« trigger point »
ou « zones gâchettes »). Plusieurs facteurs déclenchent ces
douleurs. Facteurs professionnels : sujets assis trop longtemps, raideur
sous pelvienne et surcharge fonctionnelle de la charnière lombo-sacrée. F
acteurs sportifs : travail musculaire concentrique (course, saut, football,
bicyclette, ski). Syndrome du pyramidal, des psoas, des ischio-jambiers et
des triceps avec association possible d'une rétraction de la chaîne
postérieure dorso-lombaire. Facteur anthropométriques : inégalité de
longueur des membres inférieurs avec bascule du bassin et attitude
scoliotique. L'inégalité doit être importante, supérieure à 2 cm.
Facteurs articulaires : préarthrose des hanches et des genoux. Douleurs
éloignées de l'articulation et troubles statiques avec surmenage de certains
muscles (carré des lombes, moyen fessier, TFL, vaste externe, adducteurs,
long péronnier latéral) et tiraillements ligamentaires.
2. Fibromyalgie ou Syndrome Polyalgique Idiopathique Diffus (SPID)
Désignée tour à tour sous le terme de polyentésopathie, de fibromyalgie
primitive (411), de syndrome polyalgique diffus idiopathique
(22), cette classification présente une étiologie pour
le moins incertaine. Parmi les critères caractéristiques : les sujets sont
de sexe féminin dans 86% des cas et âgés en moyenne de 29 ans. Le tableau
clinique reste dominé par des symptômes subjectifs et mouvants dans leur
terminologie. L'examen articulaire, musculo-tendineux et neurologique
apparaît normal. Les douleurs sont diffuses à l'ensemble du corps, en
particulier le long de l'axe vertébral, au niveau des racines des membres,
des genoux et des coudes. La localisation des zones gâchettes est
bilatérale, symétrique et assez constante. Elles se retrouvent :
- au niveau sous-occipital,
- à la partie moyenne des trapèzes,
- au niveau para vertébral cervical C4-C5 et C5-C6,
- au niveau sus-épineux,
- à l'insertion humérale,
- au niveau épicondylien,
- au niveau de la deuxième articulation chondrosternale,
- au niveau lombaire para vertébral L4-L5 et L5-S1,
- au niveau fessier dans la zone supéro-externe,
- au niveau des genoux dans la zone de la patte d'oie.
Le diagnostic peut se poser avec la névralgie d'Arnold, le syndrome de
l'angulaire, celui de Tietze, l'épicondylite, la périarthrite de hanche,
la tendinite de la patte d'oie, la pseudopolyarthrite rhizomélique et le
conflit disco-vertébral. Seule, l'association et l'aspect bilatéral des
points douloureux musculaires sont significatifs. Il n'existe ni d'affection
concomitante, ni de traumatismes. La mobilité du rachis est normale. La
biologie et les radiographies sont non significatives. La posture s'avère s
ouvent hypotonique et le terrain hyperlaxe. Des nodules sous-cutanés
apparaissent au pincé-roulé au niveau des trapèzes et des carrés des lombes.
Dans près de 75 % de ces cas, il existe des perturbations qualitatives et
quantitatives du sommeil (66).
Pour expliquer cet état, plusieurs postulats offrent leurs bases théoriques.
- (i) Diminution de l'adénosine diphosphate et de l'adénosine triphosphate
intramusculaire à l'origine d'une hypoxie locale musculaire (411).
- (ii) Complexes IgG au niveau de la jonction dermo-épidermique. Infirmés
aujourd'hui grâce aux méthodes d'immunofluorescences
(48).
- (iii) Troubles métaboliques associés aux neuromédiateurs (sérotonine et
b endorphines) et aux neurotransmetteurs (substance P) provoquant une
amplification du syndrome douloureux. En faveur de l'hypothèse associée aux
neuromédiateurs comme la sérotonine, mentionnons que le tryptophane sérique
est normal mais que le taux de 5 HIAA est abaissé dans le liquide
céphalo-rachidien. Cette anomalie expliquerait la douleurs et les troubles
du sommeil concomitants à cet état (142). Par contre
si les taux
de b endorphines et de substance P restent élevés dans le liquide
céphalo-rachidien, la constance des résultats observés reste encore
discutée (376).
3. Syndrome sacro-iliaque avec sciatique référée
Il convient d'éliminer les processus infectieux ou inflammatoires de la
sacro-iliaque (spondylarthrite ankylosante). Le syndrome sacro-iliaque des
sujets jeunes est à distinguer des sacro-illiite inflammatoires, des
spondylarthropaties, des enthésopathies et des infections. Les signes
cliniques et les nombreuses manoeuvres possèdent certes une bonne
reproductibilité mais ils demeurent non spécifiques à cause de leur
intrication avec la charnière lombo-sacrée. Un mouvement forcé en cyphose
lombaire avec rétroversion du bassin, flexion des hanches et contre-nutation
du sacrum ou par un mouvement inverse d'hyperlordose lombaire avec
antéversion du bassin, extension des hanches et nutation du sacrum
déclenche la douleur. Celle-ci est unie ou bilatérale et irradie jusqu'au
creux poplité mais atteint parfois aussi le talon. Ni paresthésie ni signe
de Lasègue ne l'accompagnent. La station debout s'accompagne de cyphose
lombaire avec évitement de l'appui du côté douloureux (mise en évidence par
l'appui unilatéral renforcé par la pression sur les épaules). La flexion
est douloureuse en fin de course et l'extension limitée ou impossible. La
flexion latérale entraîne une douleur du côté de la sacro-iliaque en cause.
Signes caractéristiques :
- écartement et rapprochement des ailes iliaques (signe douloureux non
constant) en décubitus dorsal ;
- trépied de Cyriax-Coste-Illouz par pression directe sur le sacrum réveillant la douleur en décubitus ventral ;
- mobilité normale de la hanche mais l'adduction forcée en flexion déclenche la douleur sacro-iliaque ;
- la palpation révèle un point douloureux à la partie basse de l'interligne au dessous et en dedans de l'épine iliaque postéro-supérieure ;
- la douleur irradie au coccyx ;
- la flexion forcée de la hanche d'un côté et l'extension forcée de l'autre hanche en décubitus dorsal en bout de table déclenchent des mouvements dissymétriques des sacro-iliaques et une douleur référée (signe de Gaenslen et Mennell) ;
- le test de la ceinture apaise la douleur en station debout (Mac Nab).
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