Une autre tactique thérapeutique concerne le recadrage. Recadrer
signifie fournir une explication verbale qui change le sens conceptuel
ou émotionnel d'une situation particulière tout en étant compatible
avec le cadre de référence du client (396). À l'aide des recadrages
indiqués au tableau 1.6, le praticien modifie chez le lombalgique sa
perception de trois «nbsp;réalitésnbsp;» : douleur, amélioration et
rechute. N'oublions pas que les perceptions associées à la douleur
chronique dépendent d'une signification qui reste individuelle
(357). Chez le lombalgique chronique, les
recadrages qui « réinterprètent la sensation douloureuse s'avèrent
plus efficaces que de se concentrer sur les sensations somatiques ou
détourner l'attention de la douleur. »
(333,p. 638). Recadrer la douleur reste
fondamentale puisque toute amélioration passe par le changement des
croyances et des peurs qui s'y rattachent
(139,154,383,384).
Aussi, dès la première leçon, offrez à vos participants cette
réinterprétation : « À nos yeux, l'effet limitatif de votre douleur
lombaire se fonde sur l'absence de moyens pour la gérer. En retour,
cette absence de moyens engendre une peur souvent plus limitative que
votre douleur elle-même. Le but de l'École du dos consiste précisément
à dépasser cette limite en apprenant à s'autotraiter ». Ou encore,
au moment où un lombalgique rapporte des effets douloureux liés aux
activités physiques : « Commencer un entraînement physique
augmente obligatoirement l'intensité de la douleur lombaire ; par
conséquent, c'est un bon signe que de souffrir davantage du dos au cours
des premières semaines de votre entraînement ». En somme, il s'agit
de recadrer la signification négative que peut proposer le lombalgique
par une explication plus positive qui présente, en quelque sorte, la
douleur comme une conséquence normale, l'amener à percevoir la douleur
comme utile et par conséquent, comme moins intolérable. De tels
recadrages procurent au lombalgique non seulement un contrôle plus grand
de son corps, mais renforce en plus sa confiance dans le praticien qui
prédit et interprète correctement les effets de l'exercice.
Tableau 1.6
Recadrages
Cible |
Diapo |
DOULEURS |
"plus de douleur est bon signe" |
#4-04 |
"l'absence de moyens (pour gérer ses douleurs) engendre une peur souvent plus limitative que la douleur elle-même" |
#1-03 |
AMÉLIORATIONS |
"dépasser les exigences est contre-productif" |
#5-23 |
"dormir à volonté est un atout" |
#7-23 |
"avancer lentement" |
#8-03 |
"il est tout à fait normale de substituer à la pratique de ses exercices de nouvelles activités (propres aux vacances d'été, par exemple) et puis de reprendre plus tard son programme régulier" |
#12-03 |
RECHUTES |
"les rechutes sont normales et attendues" |
#11-17 |
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La seconde série de recadrages s'appliquent aux améliorations qui ne
manqueront pas de se produire. Le praticien évite de simplement
encourager le lombalgique qui fait état d'une amélioration précise
l'ayant particulièrement satisfait. Plutôt, il le félicite et le met
aussitôt en garde contre le fait de vouloir aller trop vite lui donnant
« de bonnes raisons d'avancer lentement »
(104, p. 197). Cette situation se présente
immanquablement avec les lombalgiques lourdement médicamentés. Dès le
début, l'animateur les prévient qu'ils devront débuter le sevrage de
leurs médicaments à la septième rencontre du groupe
(diapo #1-12). Il
leur offre son support et celui du groupe. Au moment où le lombalgique
parvient à réduire de façon significative sa consommation de
médicaments, il intervient de la façon suivante : « Nous
sommes impressionnés par la réduction de vos doses. Cependant,
l'expérience nous enseigne qu'en voulant aller trop vite, vous risquez
d'échouer. Nous vous recommandons donc de prendre votre temps ».
Au lieu d'un échec, cette injonction d'avancer lentement permettra à
l'avenir de considérer tout recul temporaire (un ou deux retours par
semaine à la dose initiale, par exemple) comme une étape normale du
sevrage. Cette injonction facilite aussi l'ajustement du rythme des
activités physiques. Le praticien rappelle régulièrement à ses clients
lombalgiques de ne pas prendre plus de 15 minutes par jour pour
pratiquer leur routine motrice, de ne pas se livrer à une activité
cardiorespiratoire plus de cinq fois par semaine, de ne pas dépasser
les exigences des programmes mis à leur disposition. L'expérience nous
confirme que les lombalgiques qui persistent dans leurs entraînements
après la fin de l'École interactionnelle consacrent au maximum 15
minutes par jour à leur routine motrice et se livrent à une activité
physique raisonnable (54). Enfin, la troisième série de recadrages
s'adressent aux rechutes. À la fin de l'École interactionnelle, le
praticien se garde de rassurer le client sur le fait que les rechutes
ne se reproduiront plus (chapitre 15). Au contraire, il définit la
rechute comme un événement attendu, donc « normal », voire
même comme un événement positif sur les chemins de la guérison :
le lombalgique dispose désormais de tous les moyens nécessaires pour
s'autotraiter, y inclus dans les moments de crise.
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