Accueil
Introduction
Sommaire
Objectifs
Feuille de route
Matériel d'intervention
FAQ
Bibliographie
1.  Stratégie
1.1  Interaction
1.1.1  Monadique vs pragmatique
1.2  Causalité circulaire
1.3  Axiomes
2.  Tactiques
 1. Effet Palo Alto

MONADIQUE VS PRAGMATIQUE

Pour bien distinguer les perspectives monadiques et pragmatiques, imaginons le conflit suivant. À sa dernière rencontre, un praticien se retrouve aux prises avec un lombalgique insatisfait des résultats malgré des notes évolutives objectivant une amélioration de l'amplitude d'une cible articulaire ou de l'endurance d'un groupe musculaire. L'échange débute. Le lombalgique définit sa vision de la relation en disant : « Je sais que vous voulez me laisser tomber » et le praticien répond (donnant ainsi sa propre définition de la relation) « Vous me prêtez encore de mauvaises intentions » ! L'analyse monadique de ce bref échange aboutit forcément à attribuer au lombalgique et au praticien des propriétés hypothétiques, dont ils sont complètement dépourvus ou qui restent impossibles à démontrer. Du point de vue monadique, la réplique du lombalgique (« Je sais que vous voulez me laisser tomber ») peut être considérée comme une manifestation de l'angoisse d'être rejeté. Et la réponse du praticien (« Vous me prêtez encore de mauvaises intentions »), comme l'indication d'une manie de persécution. En attribuant ainsi aux partenaires des propriétés qui font obligatoirement référence à une cause interne ou cachée - pulsion, trait de caractère, refoulement ou faiblesse de l'esprit -, il devient ensuite tout à fait logique d'y recourir pour y trouver une explication du comportement. En d'autres termes, si l'observateur s'attache à la vision unilatérale et monadique des partenaires (praticien ou lombalgique), il s'oblige à faire appel, tôt ou tard, à des causes cachées comme «  méchanceté «, « folie » ou « maladie mentale » pour expliquer leurs désordres de comportement.

À l'opposé, si l'observateur choisit la perspective pragmatique (ou interactionnelle), il accède du même coup à un point de vue radicalement différent du conflit. La conception pragmatique considère que les comportements perturbés résultent de la communication interhumaine et non d'individus « méchants », « malades mentalement », « hypocondriaques » ou « hystériques ». Cette hypothèse concerne toutes les perturbations du comportement à l'exclusion, bien sûr, des désordres d'origine organique dont la nature même les lie à la notion d'objet d'étude indépendant de l'observateur. Dans le cas du praticien aux prises avec le lombalgique insatisfait, inutile de donner à ce conflit une signification issue du domaine des spéculations psychodynamiques. Du point de vue pragmatique, le conflit résulte de l'absence de communication concernant l'amélioration attendue de part et d'autre à la suite de ce traitement. Un moyen efficace d'éviter pareil conflit consiste à discuter des expectatives mutuelles en début de traitement. Au cours de la première rencontre en groupe à l'École interactionnelle, lombalgiques et praticiens établissent un contrat écrit précisant clairement leurs attentes réciproques (chapitre 5). Cette modalité élémentaire évitera plus tard les malentendus.

En résumé, la conception monadique de la conduite humaine néglige l'interaction entre les individus. Elle mène nécessairement à une explication intrapsychique et indémontrable. Au contraire, la conception pragmatique prétend que le comportement humain résulte des relations interhumaines. Pour appliquer l'École interactionnelle, le praticien fait un choix épistémologique clair. Il adopte un point de vue pragmatique. Ce passage au domaine des interactions entre monades amène, bien entendu, de profondes modifications dans la conception psychologique du comportement humain. Le changement le plus radical réside incontestablement dans la substitution de la notion monadique de causalité linéaire par le concept pragmatique de causalité circulaire.

Copyright (c) 1998 Masson, uriic