Impossible d'y échapper : pour saisir l'essence de la relation
praticien-patient, il faut d'abord considérer l'interaction ou l'ensemble de
la triade émetteur-signe-destinataire. Déplacer en quelque sorte notre point
de vue de l'individu (praticien ou lombalgique) vers la relation entre les
partenaires. Cette relation possède des propriétés propres. Précisons qu'il
existe « fondamentalement deux types de contenus dans la perception humaine :
objets et relations. » (393, p. 12). Deux contenus par nature radicalement
différents l'un de l'autre. Les objets - pris au sens le plus large - désignent
tout ce que l'on retrouve dans le monde extérieur. Les objets possèdent une
existence indépendante de l'observateur. Pour étudier ces objets et leurs
propriétés caractéristiques, la pertinence de les considérer comme des
monades ne fait aucun doute. Surgit-il des différences d'opinions quant à
leurs propriétés ? Des investigations objectives tranchent
éventuellement la controverse. Illustrons ce point par la découverte de la
vie à des températures dépassant le point d'ébullition de l'eau. Deux
positions théoriques prévalaient sur le sujet au début des années
quatre-vingts (141). La première prétendait que la vie ne pouvait exister à
une température supérieure à 100°C : les molécules dont nous
sommes faits, à la base de toutes les formes de vie connues jusque-là, sont
détruites à 100°C ; l'ADN se morcelle et les protéines se décomposent,
habituellement en quelques secondes. L'autre position soutenait l'inverse.
En 1982, dans des sources d'eau chaude peu profondes près de la côte de la
Sicile, un microbiologiste décèle les premiers organismes qui se multiplient
au delà de 100°C. En conséquence, ceux qui postulaient que des organismes
peuvent vivre à une température excédant 100°C ont eu raison et les autres
tort. Dans cette étude monadique des conditions nécessaires à la vie,
prétendre qu'une opinion est juste et l'autre fausse est possible et tout à
fait adéquat. La hernie discale, la sténose et les critères de sélection
contenus dans nos tableaux cliniques constituent aussi des objets
d'étude (tableau 3.7). Leur existence dépasse les barrières culturelles.
Les experts s'accordent sur leur réalité. En cas de divergence, une approche
monadique donnera raison aux uns et tort aux autres. Somme toute, les
objets (i) possèdent une existence indépendante et (ii) offrent la
possibilité de prouver la véracité de nos opinions et de leurs
caractéristiques. Par contre, il en va tout autrement de la relation que le
clinicien établit nécessairement avec chacun des lombalgiques dans le cadre
d'une École du dos (tableau 1.1).
Tableau 1.1
Distinction entre objet et relation
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Possède une existence indépendante |
Offre la possibilité de vérifier ses caractéristiques |
Objet |
OUI |
OUI |
Relation |
NON |
NON |
|
Contrairement aux objets, les relations ne sont pas des phénomènes dotés d'une
existence indépendante. Elles ne sont donc pas « réelles » au même sens que les objets. Tout en constituant pour chacun d'entre nous l'un des aspects les plus immédiats de notre vie, les relations n'existent que dans l'optique des partenaires. En outre, contrairement aux caractéristiques vérifiables des objets, il est tout à fait inexact de prétendre, qu'en cas de désaccord au sujet de la définition d'une relation humaine, un des partenaires puisse avoir raison et l'autre tort. La relation n'offre tout simplement pas la possibilité de vérifier ses propres caractéristiques. En conséquence, pour saisir ou étudier la relation praticien-lombalgique, deux points de vue restent possibles : perspective unilatérale d'un des partenaires (conception monadique) ou perspective de l'observateur (conception pragmatique).
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