La causalité linéaire fait référence à une chaîne d'événements où A
entraîne B ; B entraîne C ; C entraîne D ; etc. À l'opposé, la causalité
circulaire implique une chaîne d'événements d'une toute autre nature : A
entraîne B ; B entraîne C ; mais C renvoie à A. Le système circulaire
fonctionne de façon totalement différente d'un système linéaire. L'effet (C)
affecte maintenant sa propre cause (A). Prenons l'exemple du chauffage
électrique d'une pièce. Dans ce système simple, la causalité est circulaire
puisque l'effet, c'est-à-dire l'augmentation ou la diminution de la chaleur,
influence sa propre cause (le thermostat). En d'autres termes, une faible
partie de la conséquence de l'événement A est ramenée à celui-ci comme
signal ou comme information. Le biofeedback et de nombreux systèmes
biologiques fonctionnent selon ce principe
(314,328). Les augmentations
périphériques du tonus musculaire ont ainsi été évoquées pour expliquer
certaines lombalgies d'origine musculaire. Ces dérégulations réflexes
entretiendraient une ischémie locale et déclencheraient à leur tour des
douleurs qui, ensuite, entretiendraient la dérégulation initiale.
Appliquée maintenant aux systèmes humains et au contexte particulier des
Écoles du dos, la causalité circulaire implique que praticien et lombalgique
s'influencent l'un l'autre à travers leurs communications, soit pour
maintenir la stabilité de leur relation, soit pour s'adapter aux changements
du milieu. Appliquée aussi à la douleur chronique, cette causalité circulaire
offre la possibilité d'élaborer au prochain chapitre un modèle nouveau et
circulaire de la douleur (figure 2.9). Ce modèle repose sur le postulat
énoncé ci-haut : l'effet affecte sa propre cause. L'influence de ce modèle
se fait sentir dans toutes les sphères de nos interventions. Par exemple,
supposons qu'un lombalgique diminue ou cesse toute activité physique à cause
des douleurs qu'entraînent certains mouvements. La douleur - un effet
produit probablement à l'origine par un problème organique ou mécanique - se
transforme en cause du problème en le conduisant à éviter toute activité
physique. Le lombalgique s'enferme alors dans une boucle sans fin. Sa
souffrance le condamne à l'immobilité qui, en retour, augmente sa douleur
lombaire. À l'aide de tactiques thérapeutiques (décrites en détail plus loin
dans ce chapitre), le praticien interactionnel brise ce cercle infernal. Il
s'assure que chaque lombalgique pratique sur une base régulière des
activités physiques et mentales adaptées. Mais, il n'en fait pas une
condition absolue de la guérison. Certains lombalgiques sont en effet des
sportifs accomplis. Partant du même concept circulaire qui veut qu'un
élément nouveau introduit dans un système le modifie, il préconise chez
ceux-ci, soit un arrêt temporaire de l'activité physique, soit une
réorientation de cette activité. En plus de cette causalité circulaire,
quatre axiomes de la communication énoncés par Watzlawick étayent notre
stratégie d'intervention (394). Dans l'exposé qui suit, nous considérons
comme synonymes les termes prémisses, principes et axiomes : propositions
admises par quiconque en comprend le sens.
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