Nos communications s'effectuent selon deux modèles de relation :
symétrique ou complémentaire. Pour les définir, attachons-nous à la manière
dont se comportent deux partenaires, abstraction faite des raisons qu'ils
ont, ou qu'ils croient avoir, de se conduire ainsi. Ce n'est pas tant ce que
dit un individu qui détermine la symétrie ou la complémentarité de
l'interaction, mais le rapport entre l'énoncé de l'un et la réponse de
l'autre. Autrement dit, l'interaction symétrique et l'interaction
complémentaire décrivent non pas des qualités « mentales »,
statiques et monadiques des participants, mais deux modèles fondamentaux de
relation qui fluctuent au gré des échanges. Dans le premier modèle,
l'interaction est dite symétrique parce que l'accent porte sur les efforts
pour établir et maintenir l'égalité. Les partenaires minimisent leur
différence en adoptant un comportement en miroir : si A prétend donner,
B prétend donner à son tour ; si A veut recevoir, B veut recevoir à son
tour ; si A offre son affection, B en retour offre la même chose, et
ainsi de suite. Il s'agit donc de relations égalitaires, comme dans le cas
d'un couple amoureux, de deux amis ou de deux experts échangeant sur un
sujet commun. À l'École interactionnelle, la pause de quinze minutes lors
de chacune des rencontres en groupe fait partie intégrante du traitement.
Elle offre au praticien l'opportunité d'établir une relation symétrique
(égalitaire) avec les lombalgiques.
Le second modèle de relation se fonde sur l'acceptation de la différence.
Dans une interaction complémentaire, le comportement de l'un complète celui
de l'autre pour former un tout. Ici, le comportement du praticien présuppose
celui du lombalgique tout en lui fournissant en même temps sa raison d'être.
Tout comme on ne peut applaudir d'une seule main, pas de praticien pour
dispenser des soins sans lombalgique qui se laisse soigner, pas de thérapeute
sans client, ou encore, pas de leader charismatique sans fidèles. Dans
l'interaction complémentaire, l'un des partenaires occupe la position
d'expert ou one up, et l'autre, la position de non-expert ou one down.
Ces termes possèdent un sens précis. Expert et one up se rapportent au
partenaire qui définit la relation en se plaçant en position d'autorité.
L'autre, celui qui accepte cette définition et s'y conforme, se trouve en
position one down. Ces définitions n'ont rien à voir avec la force ou la
faiblesse des individus eux-mêmes. Certains lombalgiques réagissent mieux
que d'autres à une position d'autorité ou d'expert ; dans ce cas, une
position one up est utile. L'expérience clinique nous enseigne cependant
que, durant une interaction de longue durée, la collaboration du lombalgique
s'atténue d'habitude si le praticien se place, dès le début ou constamment,
dans cette position de supériorité ou de pouvoir. Cette attitude intimide
d'ordinaire le lombalgique. Déjà embarrassé par son problème, il répugne
souvent à révéler des informations supplémentaires qui, à ses yeux, le
diminuent plus encore. En conséquence, pour obtenir la collaboration pleine
et entière du lombalgique, le praticien occupe le plus souvent possible une
position one down. Non pas que la position de non-expert possède en «
elle-même un pouvoir particulier, mais simplement parce qu'elle est le moyen
le plus sûr d'éviter la position de supériorité et de neutraliser la
tendance qu'a le patient à mettre le praticien dans une telle position »
(104, p. 59). L'importance stratégique du concept
one up et one down à l'École interactionnelle se reflète dans
l'usage, à chacune des rencontres en groupe, d'une tactique thérapeutique
découlant de ce concept. Une tactique (expert non-expert) décrite plus loin
dans le présent chapitre.
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