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 7. Syndrome de déconditionnement moteur

MESURE DE L'ÉVIDENCE

Le praticien doit maîtriser un préalable pour promouvoir délibérément chez le lombalgique des changements utiles - et remarquables- qu'il n'aurait pas initiés de lui-même : il lui faut d'abord et avant tout bien comprendre, puis utiliser judicieusement la mesure de l'évidence. Sur ce sujet, plusieurs conclusions intrigantes se dégagent des rapports contradictoires de la recherche clinique. Tout d'abord, les effets de sa propre prophétie se confirment quand on démontre, chez des lombalgiques, une réduction de l'activité musculaire isotonique associée à une réponse différente à la fatigue (49,319). Leur condition les incite tout simplement à la prudence motrice ! Ensuite, même parmi les conclusions les plus pessimistes ne démontrant que des effets négligeables des programmes de préparation motrice sur les symptômes des maux de dos, les cliniciens soulignent tous l'augmentation des capacités fonctionnelles de leurs patients (77). Les plus naïfs s'en étonnent. D'autres font, de la restauration fonctionnelle, un objectif central. Dans tous les cas, en quantifiant simplement cette amélioration, le thérapeute mesure l'évidence. En faisant des abdominaux, en étirant des dorsaux, en pratiquant la mobilisation du bassin, en marchant, en courant, on obtient immanquablement une amélioration de la performance initiale ou une restauration de la fonction. Pour un exercice de renforcement effectué sur la base de 10 répétitions par semaine, l'amélioration hebdomadaire approche 6 %. Elle grimpe à 60 % à la fin de la plupart des programmes longs (69,157). En d'autres termes, l'amélioration est prévisible, inéluctable et évidente. Le clinicien perd son temps en tentant d'expliquer les réductions de douleur par l'augmentation de ces paramètres. Les mesures biomécaniques reflètent mal l'issue des traitements. Comme paramètre significatif, le degré de satisfaction au travail est probablement plus pertinent que l'ensemble de ces composantes physiques (385). Enfin, mesurer l'évidence pour confirmer ses propres prédictions thérapeutiques sur la restauration fonctionnelle du client ne présente pas grand intérêt non plus.

Pourtant, dans le processus d'influence que se propose d'exercer le thérapeute impliqué dans une approche interactionnelle, cette mesure de l'évidence occupe une position privilégiée. Sur le retour ou la satisfaction au travail, le pouvoir d'influence du clinicien reste limité. Le syndrome de déconditionnement moteur, par contre, se prête admirablement à une validation sans risque des prédictions initiales. Avant l'intervention, l'état même du lombalgique chronique permet de le diagnostiquer sans beaucoup d'hésitation. Quand le contrat signé est respecté, le thérapeute peut, à coup sûr, appuyer une partie de son intervention sur les progrès considérables réalisés chaque semaine. Plus ils sont importants, plus la motivation intrinsèque du client à faire de l'exercice s'accroît (252). L'impact est fatalement positif : toute séance d'exercice, même brève, entraîne systématiquement une réduction marquée de l'anxiété autant chez les individus actifs qu'inactifs (321). Ici encore, le praticien prend la précaution de bâtir son intervention sur les objectifs moteurs personnels du client et non sur des postulats préétablis démontrant la supériorité du jogging ou de la natation sur la marche ou la bicyclette, ou encore, celle des extenseurs sur les fléchisseurs. Par exemple, pour ce retraité lombalgique rêvant d'une balade dans le désert, nous proposons évidemment un programme structuré de marche et de renforcement musculaire. Plus difficile d'initier à ce travail ce pompiste n'ayant pas une minute à lui ou cette ménagère habituée à se déplacer en voiture.

L'approche interactionnelle utilise donc le mouvement dans une toute autre perspective. Effectuer naturellement plus d'abdominaux, améliorer nécessairement sa souplesse ou sa condition cardiorespiratoire, ce chapelet de certitudes assure au lombalgique un feedback obligatoirement positif sur sa performance. Des améliorations qui le rapprochent du but thérapeutique poursuivi : se voir " capable de composer " avec sa lombalgie plutôt que de se percevoir comme " victime " de ce problème. Aucune autre modalité thérapeutique ne permet de récupérer à si bon compte la mesure de l'évidence pour démontrer aussi clairement au lombalgique les progrès considérables accomplis sur les chemins de la guérison depuis le début des traitements. Car ici, comme dans bien d'autres traitements, un facteur d'amélioration significatif réside du côté de la croyance du lombalgique dans l'efficacité de ce qu'il pratique (277). Pour peu que le thérapeute incite son client à associer la mesure de cette évidence à une amélioration de son état, et tous deux s'acheminent vers le succès thérapeutique. Mais, il n'existe pas de prescriptions miracles. Si l'approche interactionnelle s'accommode de toutes les croyances, de tous les rituels, la créativité du thérapeute et son bagage technique restent des atouts indispensables à la réussite de son intervention. En puisant dans son catalogue d'exercices, de postures thérapeutiques ou de programmes de conditionnement physique, le praticien compose un menu significatif et personnalisé pour son client.

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