Comment transformer des connaissances médicales en habiletés utilisables dans une démarche d'auto-traitement? En les changeant en « cartes de la douleur ». Toutes les ressources d'une équipe et d'une démarche multidisciplinaire ont été mises à contribution pour aider, non plus le clinicien, mais le lombalgique, à y voir plus clair dans ce domaine. Carte musculaire et ligamentaire, facettaire, discale, instabilité intervertébrale (combinaison de la carte facettaire et discale), racine nerveuse et carte médicale composent la donne initiale. Ces « cartes à jouer » n'ont aucune prétention taxonomique vis-à-vis du monde médical. Les tableaux cliniques (tableau 3.7) pour le médecin, les tableaux fonctionnels (tableau 3.8) pour le kinésithérapeute ou le physiothérapeute répondent déjà aux exigences particulières des professionnels de l'intervention. Ici, il s'agit d'une classification destinée aux lombalgiques (tableau 6.1).

En se dotant de ce langage visuel, le praticien parvient sans difficulté à communiquer de façon claire et précise avec sa classe. Un point capital. Plus la perception du lombalgique est faussée par rapport à celle du clinicien, plus les résultats obtenus sont décevants. Près de 95 % des lombalgiques manifestant une compréhension claire de leur condition retourneront au travail. Seul 33 % de ceux qui comprennent mal ce qui leur arrive en feront de même (185). Ce support didactique permet également d'atteindre les buts thérapeutiques de la leçon. Les cartes rassurent le client sur « l'origine » de ses douleurs, une question toujours préoccupante pour le lombalgique. Une approche d'autant plus pertinente que 79 % des attaques chez les hommes et 89 % des attaques chez les femmes n'ont aucune origine bien déterminée (170).

De plus, grâce à ces cartes, le client acquiert (enfin) la capacité de communiquer au sujet de son problème de dos avec ses thérapeutes, ses partenaires lombalgiques, sa famille ...et son dossier médical ! Finalement, l'utilisation de ces cartes influence vos clients. Elles leur proposent une « logique de l'action » en procurant un rationnel aux prescriptions à venir (routine motrice, activité cardiorespiratoire, verrouillage du bassin, etc.).

Une banque de données, conçue spécialement à cet effet, permet d'arrimer la « réalité » des diagnostics médicaux à celle, crée artificiellement, avec nos cartes de la douleur. Cette articulation permet aussi d'identifier clairement les critères d'exclusion associés à la sélection des patients dans nos écoles.

Pour remplacer le médecin? Pas du tout. Cette banque de données n'a rien à voir avec le développement d'un système informatisé offrant un diagnostic « expert » à la place du médecin. Pour l'évaluation clinique, en cas de doutes, nous recommanderons de faire appel à un médecin ! Meilleure est l'évaluation clinique initiale, plus facile en sera l'utilisation de la banque de données et l'identification des cartes de la douleur. Et ce même si, dans la grande majorité des cas, une cause linéaire pourra difficilement expliquer la douleur lombaire chronique...

Les systèmes experts développent les diagnostics à la place des médecins. C'est avec un médecin que nous avons développé ce premier « diagnostic virtuel » aboutissant aux cartes de la douleur. Le premier « diagnostic » destiné à transformer aussi les patients... en experts de leur dos !