À la seconde rencontre du groupe, les participants s'initient à un jeu de
six cartes. Cartes musculaire et ligamentaire, facettaire, discale,
instabilité intervertébrale (combinaison de la carte facettaire et discale),
racine nerveuse et carte médicale composent la donne initiale.
Ces « cartes à jouer » n'ont aucune prétention taxonomique
vis-à-vis du monde médical. Les tableaux cliniques
(tableau 3.7) pour
le médecin, les tableaux
fonctionnels (tableau 3.8)
pour le kinésithérapeute ou le physiothérapeute
répondent aux exigences particulières des professionnels de l'intervention.
Ici, il s'agit d'une classification destinée aux lombalgiques (tableau 6.1).
Tableau 6.1
Cartes de la douleur
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Appellation
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Description
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Carte musculaire-ligamentaire |
Par défaut de spécificité quand les autres options s'avèrent infructueuses. Exemples : contracture, crampes, fibromyosite, fibrosite, fasciite, myofasciite, myosite lombaire, spasme musculaire, polyenthésopathie, etc. |
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Carte facettaire |
Difficultés et douleurs exacerbées par les extensions arrières ou les rotations extensions arrière. Exemples : dérangement intervertébral mineur, dysfonctionnement intervertébral, entorse lombaire, instabilité lombaire, subluxation, syndrome de facettes avec arthrose, syndrome de la branche postérieure, etc. |
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Carte discale |
Difficultés et douleurs exacerbées par les flexions avant ou les postures augmentant les contraintes sur le disque. Exemples : hernie discale, calcification du disque, dégénérescence discale, discopathie, protrusion du disque. |
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Carte instabilité intervertébrale |
Combinaison des douleurs exacerbées par les extensions arrières ou les rotations extensions arrières et des douleurs exacerbées par les flexions avant ou les postures augmentant les contraintes sur le disque. Exemples : instabilité lombaire, atteinte du disque et des facettes. |
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Carte racine nerveuse |
Pertes importantes de sensibilité ou de motricité avec irradiation de la douleur sous le genou. Exemples : névralgie, sciatalgie, sténose vertébrale centrale, sténose latérale, sténose du récessus. |
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Carte médicale |
Tous les diagnostics médicaux recommandés pour les Écoles du dos (voir tableau 3.7 à la page 88). |
En se dotant de ce langage visuel, le praticien parvient sans difficulté à
communiquer de façon claire et précise avec sa classe. Un point
capital. Plus la perception du lombalgique est faussée par rapport à celle
du clinicien, plus les résultats obtenus sont décevants. Près de 95 % des
lombalgiques manifestant une compréhension claire de leur condition
retourneront au travail. Seul 33 % de ceux qui comprennent mal ce qui leur
arrive en feront de même (185). Ce support didactique
permet également
d'atteindre les buts thérapeutiques de la leçon. Les cartes rassurent le
client sur « l'origine » de ses douleurs, une question toujours
préoccupante pour le lombalgique. Une approche d'autant plus pertinente
que 79 % des attaques chez les hommes et 89 % des attaques chez
les femmes n'ont aucune origine bien déterminée (170).
De plus, grâce à ces
cartes, le client acquiert (enfin) la capacité de communiquer au sujet de
son problème de dos avec ses thérapeutes, ses partenaires lombalgiques, sa
famille ...et son dossier médical ! Finalement, l'utilisation de ces cartes
influence vos clients. Elles leur proposent une « logique de
l'action »
en procurant un rationnel aux prescriptions à venir (routine motrice,
activité cardiorespiratoire, verrouillage du bassin, etc.).
Associé aux cartes, l'apprentissage de moyens concrets de gestion de la
douleur aiguë fait partie intégrante du traitement. Réduire à tout prix la
douleur du lombalgique durant les phases les plus aiguës reste essentiel
pour garantir sa participation, à long terme, au processus de guérison. En
fonction de la gravité de l'atteinte et du niveau de la lésion, certains
recommandent des techniques plus agressives comme le bloc soit
facettaire (202), soit sympathique (389). Bien
utilisées, ces techniques
répondent à l'objectif initial de réduction significative à court terme de
la douleur. Dans le contexte d'une approche interactionnelle, leur utilisation
est parfaitement justifiée. Mais, souvent intégrées dans un modèle trop linéaire
de la douleur, l'erreur la plus fréquente consiste à leur attribuer les vertus
d'un remède miracle propre à guérir le lombalgique chronique. Une erreur de
perspective. Le soulagement procuré dure rarement. Il s'agit simplement d'une
des étapes, parfois nécessaire, sur les chemins de la guérison. Une étape à ne
pas négliger. Elle évite que l'irritation continuelle n'induise une
sensibilisation médullaire pour laquelle il n'existera plus alors ni
médicaments, ni injections, ni stratégies comportementales réellement efficaces.
Les recommandations proposées dans cette leçon vont aussi à l'encontre de
certaines des stratégies utilisées dans les traitements purement
comportementaux de la douleur (112). En préconisant
une stratégie de
l'ignorance face aux manifestations verbales ou non verbales des lombalgiques
en phase aiguë, l'approche comportementale se base sur un modèle
réductionniste de la douleur. Une approche qui entraîne des réductions
significatives de la douleur. Mais des succès davantage dus aux exigences
associées coûte que coûte à la lutte contre le déconditionnement moteur,
plutôt qu'à l'extinction, en phase aiguë, des stimuli externes renforçant
les comportements douloureux. Des perspectives divergentes de rééducation
qu'un message commun réconcilie pourtant avec celui véhiculé par l'approche
interactionnelle : dans la lombalgie chronique, les phases aiguës sont
certes douloureuses mais en aucun cas dangereuses !
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