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Thèmes :
1.  Prouver tout et rien du tout
2.  Perspective pragmatique
3.  Comment prescrire: le 180°
4.  Échauffement
5.  Flexibilité
6.  Renforcement
7.  Programmes cardiorespiratoires
8.  Routines motrices
9.  Activités sportives
10.  Dérivation de l'attention
11.  Plan
12.  Scenario interactif
13.  Diapositives
 7. Syndrome de déconditionnement moteur

COMMENT PRESCRIRE : LE 180-DEGRÉS

Pour effectuer des prescriptions personnalisées de mouvements, nous avons recours à une tactique simple, le 180-degrés. Cette tactique ne prétend ni se substituer aux modèles théoriques du thérapeute, ni même remplacer des cadres de références d'autant plus malaisés à abandonner qu'ils ont été difficiles à acquérir. Cette tactique permet simplement de s'en accommoder. Elle offre au thérapeute un raccourci conceptuel et méthodologique qui facilite la prescription de mouvements spécifiques et individualisés. Elle repose sur deux constatations pratiques. Premièrement, le patient construit une partie de sa " réalité " motrice de lombalgique sur un certain nombre d'actions biomécaniques : postures, mouvements statiques ou dynamiques, immobilité prolongée, etc. Deuxièmement, ces actions ont abouti de toute évidence à des solutions inadéquates. En retour, ces pseudo-solutions inopérantes maintiennent la chronicité. Dans ses tentatives de recherche de la guérison, le lombalgique ne fait qu'aggraver son cas. Pour mettre fin au plan moteur à ce cercle vicieux, la tactique consiste à prescrire au client, pour une période correspondant à la durée d'un programme long (dix semaines), des mouvements qui se situent à l'opposé ou à 180 degrés par rapport à ses solutions biomécaniques ou posturales initiales. Ici, pas d'à priori sur un raccourcissement des chaînes postérieures, sur des postures de délestage d'un disque trop souvent ou trop longtemps mis à contribution, sur une lésion nerveuse, sur un déplacement intervertébral mineur ou un blocage énergétique. Cette tactique s'accommode fort bien de toutes les explications linéaires dont le thérapeute aurait besoin pour se rassurer. L'adaptation d'un simple questionnaire comme celui de Mooney suffit pour identifier la plupart des 180-degrés possibles (277).

Le tableau 7.1 résume les prescriptions de mouvements établies à partir du bilan fonctionnel ou des solutions tentées par des clients lombalgiques. Supposons qu'un lombalgique diminue ou cesse toute activité physique à cause des douleurs qu'entraînent certains mouvements. Du point de vue du lombalgique, la solution tentée est logique : à court terme, s'immobiliser s'avère moins douloureux que bouger. Mais bientôt, la solution tentée (immobilité) deviendra le problème principal. Sans cette solution, le problème n'existerait probablement pas. Autrement dit, ici " le problème, c'est la solution " (396, p. 49). Face à cette tentative infructueuse du lombalgique, la tactique du 180-degrés consiste donc à prescrire une action qui va exactement et radicalement dans la direction opposée à la solution tentée. Dans ce cas, reprendre graduellement les activités physiques habituelles. Voici quelques autres exemples. Concernant la carte facettaire - Au client qui nous dit " Je pratique le golf. J'ai mal dans le dos en extension arrière et rotation vers la droite. Je ne souhaite pas abandonner le golf ". Nous prescrivons une routine contenant des exercices de flexions avant et de travail en rotation vers la gauche. Une prescription simple qui paraît " logique " aux yeux du client. Pour le thérapeute aussi. En évitant à court terme les extensions arrières, le lombalgique s'épargne l'irritation articulaire postérieure accompagnant ces postures en hyperextension (42). De même, la routine motrice proposée favorisera un étirement de type Mézière des chaînes musculaires postérieures évidemment trop courtes. Concernant la carte discale - Au lombalgique qui se plaint de souffrir terriblement dans le dos lorsqu'il se penche vers l'avant, nous prescrivons de travailler spécifiquement dans ses routines motrices des trois premiers mois les extensions arrières.

Tableau 7.1

Le 180-degrés

Solution tentée

Prescription

Je ne bouge plus depuis 2 ans. J’ai tellement mal dans le dos.

Intégrez dans votre vie de tous les jours une dose progressive de mouvements globaux.

Je ne fais plus aucune activité cardiorespiratoire depuis 2 ans. J’ai tellement mal dans le dos.

Vous recommencez dès demain avec un programme progressif de type cardiorespiratoire adapté.

J’ai de plus en plus mal dans le dos. Cela fait un an que je pratique la brasse. On m’avait dit que c’était bon pour le dos. Je voudrais continuer de nager.

Abandonnez la brasse (extension) pour une nage plus en flexion (crawl).

J’ai de plus en plus mal dans le dos. Cela fait un an que je pratique la brasse. On m’avait dit que c’était bon pour le dos.

Certainement bon, mais pas pour vous. Abandonnez la brasse (extension) pour un programme favorisant les postures en flexion (bicyclette, par exemple).

J’ai terriblement mal dans le dos quand je me penche ou reste penché vers l’avant.

Recherchez les postures en extension arrière et travaillez spécifiquement dans vos routines motrices ces extensions.

J’ai terriblement mal dans le dos quand je fais des extensions arrières.

Recherchez les postures en flexion avant et travaillez spécifiquement dans vos routines motrices ces flexions.

Je fais régulièrement du golf, j’ai mal dans le dos lors de mon swing (en extension arrière et rotation vers la droite). Je ne veux pas abandonner le golf.

Évitez les hyperextensions arrière et vers la droite et voici une routine contenant des exercices de flexion avant et de travail en rotation vers la gauche.

J’ai tellement mal dans le bas du dos que je ne bouge plus du tout le bassin.

Faites le plus de mobilisations possibles du bassin (jusqu’à 50 par jour) à l’aide de la technique des " ronds rouges ".

J’ai très mal dans le dos quand je bascule mon bassin vers l’avant. (quand je reste longtemps en lordose lombaire).

Apprenez à basculer votre bassin vers l’arrière et à le verrouiller dans cette position.

J’ai très mal dans le dos quand je bascule mon bassin vers l’arrière (quand je reste longtemps en cyphose lombaire).

Apprenez à basculer votre bassin vers l’avant et à le verrouiller dans cette position.

J’ai très mal dans le dos quand je reste immobile à mon bureau (ou devant mon clavier).

Flexion avant ou extension arrière, peu importe : évitez l’immobilité.

J’ai très mal dans le dos en auto :

immobile et dos creux (lordose lombaire)

immobile et dos rond (cyphose lombaire)

Bougez et arrondissez le bas de votre dos.

Bougez et creusez le bas de votre dos.

J’ai très mal dans le dos quand je soulève une charge jambe tendues et dos rond.

Soulevez la charge jambes fléchies et dos droit.

J’ai très mal dans le dos quand je soulève une charge jambes fléchies et dos droit.

Ne plus soulever de charges lourdes ou des charges de plus de (...) kilos.

(Éviter les prescriptions comme soulever la charge jambes droites et dos rond qui vont à l’encontre des principes qui prévalent dans le soulevé des charges lourdes.)

La prescription à 180-degrés constitue aussi un raccourci pratique pour élaborer les routines motrices découlant du bilan fonctionnel et du niveau de base initial du lombalgique.

Bilan musculaire

Prescription

Le groupe des extenseurs des chaînes postérieures est très contracturé.

Ciblez une partie de la routine motrice sur l’étirement des muscles postérieurs.

Le groupe des extenseurs des chaînes postérieures est très allongé.

Ciblez une partie de la routine motrice sur le raccourcissement des muscles postérieurs.

Les abdominaux sont très relâchés.

Ciblez une partie de la routine motrice sur le renforcement des abdominaux.

Les psoas sont très contracturés.

Ciblez une partie de la routine motrice sur l’allongement des psoas.

Le piriforme est très contracturé à droite.

Ciblez une partie de la routine motrice sur le relâchement du piriforme à droite.

Cette prescription à 180 degrés répond au rationnel biomécanique favorisant l'hyperextension arrière à partir des postures préconisées par McKenzie et le délestage de la pression intradiscale créée par le maintien des flexions antérieures prolongées (253,280). La différence entre nos prescriptions et celles des autres intervenants se situe au point de départ. Chez eux, la prescription s'appuie sur un postulat rationnel, linéaire et complexe issu d'une analyse effectuée à travers des grilles de décodage et des a priori véhiculés par leur profession. Pour nous, la prescription propose un mouvement directement opposé (180 degrés) à la pseudo-solution inopérante appliquée par le lombalgique. La solution tentée sans succès par le client sert de point de départ et de seule justification à notre prescription.

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