Synthèse

L'EMBUSCADE...

Les participants

Jean-René Chenard, Jean-Louis Monestes, Yves Bouchard, Paule Ouimet, Mario Siane, Serge Favreau, Chantal Provencher, Christine Pouliot, Joyce Dickey.

La question

Mon patient dit «la racine nerveuse» guérissait avachi devant sa télé depuis la fin de l'été. Je venais tout juste de le convaincre de commencer un programme de reconditionnement moteur. En sifflotant et quoique traînant un peu la jambe, il marchait ce jour là au soleil et d'un bon pas... Programme cardiorespiratoire oblige bien sur! Embusqué, un tireur de la CSST l'a filmé en pleine «guérison». Marcher d'un bon pas en sifflotant au soleil: où il retourne se soigner devant sa télé ou on lui coupe sa compensation. Quelle prescription allez-vous faire maintenant à votre client?

La synthèse

Un sérieux problème...

Il s'agit encore une fois d'une question très délicate... Une situation embêtante mais pourtant réelle.

  • Personnellement, j'ai connu ce genre de dossier alors que je travaillais à Québec dans une clinique de physiothérapie. Toutefois, marcher d'un bon pas n'est pas une preuve d'absence de douleur chronique. Malheureusement, certaines instances ne font pas la différence entre la douleur chronique et la douleur aiguë qui cloue au plancher.

  • Il n'est pas facile de proposer une prescription dans cette situation car, à mon avis, il faut éviter de prendre une position par rapport aux méthodes, parfois hasardeuse, d'organismes payeurs. Cette neutralité n'empêche pas toutefois de centrer le client sur le bien-être qu'il tire de sa mise en action.

  • Je suppose que la CSST est l'équivalent de notre "sécurite sociale", l'instance qui attribue les pensions d'invalidite: ou je vais mieux et perd mes avantages, ou je ne vais pas mieux et suis payé pour cela.

  • En régle générale, au bout d'un certain temps, souffrir de douleurs chroniques entraîne souvent de la par de l'entourage une certaine lassitude.

  • De plus, ne plus travailler signifie souvent moins voir ses collègues de travail et donc se marginaliser.

  • C.S.S.T.... Sujet délicat s'il en est un! Cette question survient au moment où les médias nous innondent de pratiques douteuses utilisées par le dit organisme pour débusquer les "fraudeurs"...

Les prescriptions

  1. En travaillant auprès de mon client

    • Sur le plan physique

      • Je ne lui recommanderais certainement pas de retourner se soigner devant sa télé! Si je crois vraiment aux bienfaits d'un programme cardiorespiratoire, je l'encourage à continuer. Une bonne forme physique est importante, pas seulement pour les lombalgiques...

      • Il ne faut pas oublier que mon client s'est engagé par contrat... Enfin, je lui prescrirais de poursuivre l'école du dos et de continuer ses marches au soleil... sur le chemin de la guérison!

      • Ainsi, recadrer ce qui se passe m'apparaît plus stratégique. La mise en mouvement diminue la douleur avec le temps. Mais le syndrome de douleur chronique demeure!.

      • Tout d'abord, je ne pourrais encourager une personne à "guérir" sur le divan puisqu'il s'agirait là d'un retour en arrière et par le fait même une dégradation de sa condition physique. Cela va à l'encontre de la démarche entreprise et du contrat signé.

      • Ce qui est clair, c'est qu'un retour éventuel devant la télévision n'est certe pas une solution au contraire.

    • Sur le plan psychologique

      • Pourquoi ne pas, petit à petit, essayer de montrer au patient les differents avantages à aller mieux, par un travail de "restructuration cognitive".

      • Au besoin, je lui offre mon aide pour convaincre son conseiller en réadaptation que la démarche entreprise par mon client est la bonne.

      • Ma prescription irait dans le sens de le responsabiliser dans sa démarche. C'est-à-dire que je l'amènerais à réfléchir sur les avantages de sa prise en charge ainsi qu'à leurs conséquences. Que choisir? Marcher et prendre du mieux ou continuer à regarder sa t.v. et souffrir par crainte de perdre ses indemnisations. Ce client a toute une décision à prendre!

      • Cette tactique d'espionnage démontre bien à quel point les gens de la CSST ne sont pas au courant du processus de réadaptation de leur client. Donc il est certain que je lui dirais de continuer l'école et le supporterais au besoin en communiquant avec son agent.

      • Cette situation doit être réglée si nous envisageons un progrès. En effet, la perte d'un bénéfice monétaire fait partie d'une conséquence indésirable à la guérison. La décision finale revient au client puisque son corps lui appartient. Toutefois, je tenterais de l'influencer pour qu'il poursuive les interventions qui semblent déjà porter fruit!

      • Tout d'abord, je recommanderais à mon client d'éclaircir la situation avec la CSST. Un malentendu subsiste: le fait de marcher a-t-il un lien réel avec la capacité du client à retourner au travail?

    • Sur le plan légal

      • Pour couper les compensations, il faut plus qu'un enregistrement vidéo. De ce fait, je centrerais aussi le client sur sa prise en charge et l'inviterais à consulter un avocat plutôt que sur sa peur de perdre sa compensation financière .

  2. En travaillant auprès de la CSST

    • Est-ce là mon rôle?

      • Ma prescription irait dans le sens d'une bonne conversation avec l'agent de la CSST afin d'expliquer le concept de l'École, ses buts, ses exigences (dont le programme cardiorespiratoire). À cette fin, je me montrerais disponible pour appuyer le client dans sa démarche et pour donner des informations supplémentaires à la CSST si cela s'avère nécessaire.

      • Je n'ai jamais eu de contact avec des agents de la CSST. Dans mon milieu de travail les renseignements circulent par le biais de rapports périodiques.

      • Ce qui serait indiqué pour aider le client ce serait que son agent à la CSST comprenne bien la démarche du client.

      • Ce n'est pas parce que tu marches 15-20 minutes que tu es près à retourner au travail.Toutefois si le client a des problèmes financiers importants, la décision est probablement difficile à prendre.

      • L'agent doit comprendre que monsieur n'est pas un simulateur, mais qu'il participe plutôt à un traitement visant à améliorer sa condition et que cela ne veut pas dire que monsieur est prêt à retourner au travail.

      • Il est important de maintenir de bons liens avec la C.S.S.T. lorsque nous prenons leurs clients dans nos groupes de lombalgiques.

      • Dans un premier temps, il aurait été bien vu de sa part d'en informer son conseiller et son agent d'indemnité de la c.s.s.t. afin, d'éviter tout malentendu. Et par le fait même, leur démontrer ses bonnes intensions.

      • Il faudrait toutefois expliquer à son agent pourquoi monsieur s'est "fait prendre" en marchant.

      • Je pourrais même conseiller à mon client d'inviter son conseiller en réadaptation et son agent d'indemnisation (celui qui paie...) à venir assister à une leçon de l'école du dos où ils se rendront compte que les marches quotidiennes de mon client font partie de ses devoirs et de ses obligations.

      • Je vais d'abord prescrire à mon client de rencontrer son conseiller en réadaptation à la C.S.S.T. afin de clarifier la situation; il s'agit ici d'une erreur d'interprétation sur quelques bouts de films que mon client se doit de corriger.

Copyright (c) 1998 Masson, uriic