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 13. Traitements

ZONES GÂCHETTES

L'hyperstimulation mécanique des zones gâchettes constitue une technique bien connue de toutes les médecines traditionnelles comme la médecine chinoise. Dans ces thérapeutiques, certains points spécifiques peuvent être utilisés comme moyens de diagnostics et de traitements (218). Quand ces points sont stimulés à l'aide d'aiguilles ou de pressions manuelles, une réponse particulière appelée " techi " (réponse à l'insertion d'aiguilles, sensation de douleur ou d'engourdissements) apparaît. Apprenez à vos clients à identifier cette sensation. Elle correspond chez eux à une impression de brûlure souvent assez intense suivie ensuite d'un engourdissement soit local, soit distal. Les zones gâchettes que vous leur proposerez correspondent cependant à une " réalité " différente des points d'acupuncture. Ces zones d'hyperirritabilité répondant à la compression mécanique par une exquise sensibilité donnent parfois naissance à des douleurs référées, à des réponses spécifiques du système autonome et à des altérations de la proprioception (363). Les thérapeutes occidentaux les utilisent fréquemment dans le traitement des douleurs dorsales (362). La localisation de ces zones obéit à un modèle validé par les cliniciens autour de quatre éléments principaux : (i) les modulations de la douleur pour une zone sont reproductibles ; (ii) à partir d'une répartition spécifique de douleur, la localisation de la zone gâchette est facilement définissable et rarement au même endroit que la douleur ; (iii) la stimulation de cette zone reproduit la douleur qui correspond à ce point ; (iv) il existe une réponse du muscle à la stimulation sous forme d'une contracture réflexe localisée (270). Plusieurs recherches confirment la " sensibilité " particulière des zones gâchettes (105,113,156,351). Certains chercheurs les ont même mesurées à l'aide de jauge de contraintes (150,313).

N'existe-t-il pas une étroite corrélation entre zones gâchettes et points d'acupuncture chez les lombalgiques ? En effet, dans les lombalgies, ces points correspondraient dans les trois quart des cas à des points d'acupuncture (258,266). Points d'acupuncture et zones gâchettes représentent peut être un phénomène identique explicable sur la base de mécanismes neurologiques sous-jacents (264). Quelques recherches bien contrôlées confirment l'intérêt clinique de leur stimulation. Des analgésies intéressantes en découlent (116,123). Grâce aux données récentes sur la physiologie de la douleur et sur les systèmes endogènes de sa modulation, les techniques utilisant l'hyperstimulation, ou TENS acupuncture, connaissent aujourd'hui un regain de popularité. Des démonstrations significatives confirment la capacité de la stimulation électrique à haute intensité et basse fréquence à soulager les douleurs de différentes origines dont les douleurs lombalgiques (59,114,213,388). Les études sur les mécanismes neurophysiologiques de ce type d'analgésie vous fourniront les arguments scientifiques nécessaires pour vous supporter dans l'utilisation thérapeutique de l'approche proposée (61,386,390). L'existence de certaines régions du tronc cérébral où cette stimulation produirait une inhibition descendante des afférences nociceptives est mieux acceptée comme explication par la science moderne que l'équilibre entre le " Yin et le Yang " qui sert de cadre de référence à la médecine traditionnelle chinoise, ou que les circulations énergétiques qui appuient les médecines alternatives (14,26,51,206-208).

Des résultats intrigants ont été observés dans notre laboratoire entre les patients traités à l'aide de stimulations particulières de certaines de ces zones et les patients d'un groupe contrôle ou d'un groupe TENS (219). Les fibres sensitives dont les terminaisons libres enrichissent spécifiquement points d'acupuncture et zones gâchettes pourraient bien être la cause de certaines des modulations observées entre les groupes (63). Les traitements soit de médecine traditionnelle chinoise, soit plus actuels, stimulent ces localisations spécifiques de deux façons bien distinctes. La première s'apparente à la stimulation sélective des fibres à gros diamètre observée lors de l'utilisation du TENS conventionnel à basse intensité et à haute fréquence (158). Le réglage le plus fréquent, celui que vous avez certainement proposé à vos clients lors des essais obligatoires de cet appareil (encadré 2.1). La sensation recherchée ici s'apparente à un engourdissement passager associé souvent à ce type de vibrations légères (275). L'hypothèse de l'effet inhibiteur des grosses fibres myélinisées sur les petites fibres nociceptives apparaît réaliste puisque ces stimulations légères s'avèrent efficaces pour soulager plusieurs types de douleurs chroniques, y compris celles des lombalgiques (114,265,405).

Dans notre recherche (219), ces stimulations locales sur les points d'acupuncture ont été quotidiennement utilisées dans le groupe de médecine chinoise. Elles font partie de l'arsenal thérapeutique traditionnel des physiothérapeutes et des kinésithérapeutes. L'analgésie provoquée s'apparente à celle observée par d'autres chercheurs utilisant les massages ou la glace (262). Une analgésie bienvenue certes mais de courte durée. À elles seules, ces stimulations légères ne peuvent expliquer les résultats observés lors de notre étude puisque le groupe TENS, dont l'essentiel du traitement repose sur ce type de stimulations, ne démontre aucune altération de la résistance cutanée des douze zones gâchettes (points d'acupunctures) sélectionnées. De plus, un second type de stimulations, beaucoup plus vigoureux a été employé par le seul groupe utilisant l'approche traditionnelle (219). Effectuée cette fois au seuil de la douleur, cette stimulation vigoureuse des zones gâchettes (points d'acupuncture) favorise aussi un puissant effet analgésique local (247). Une réponse bien connue des cliniciens chinois. Certains cliniciens occidentaux privilégient aussi ce type d'interventions (337,338). Il renforce significativement l'activité du système inhibiteur favorisant le traitement des problèmes musculaires et des affections entrant dans le cadre de la plupart des douleurs dégénératives du dermo-myotome souvent associées à la dégénérescence du trépied vertébral. Beaucoup de nos lombalgiques chroniques répondent à ce critère de sélection (tableau 3.7). En Occident, les effets de l'acupuncture sur certains types de lombalgie sont expliqués, en partie, par ce modèle (114). Les stimulations vigoureuses des zones gâchettes que vous proposerez dans cette leçon concourent donc à créer une forme d'analgésie locale par hyperstimulation mécanique externe (123). L'équivalent de ce que recherchent par hyperstimulation interne, les partisants des injections dans les zones lombaires. Des études bien contrôlées démontrent pourtant que la substance injectée ne constitue pas ici un facteur critique. La stimulation mécanique vigoureuse des zones gâchettes (points d'acupuncture) ou l'injection d'eau distillée provoque un soulagement égal ou supérieur à celui obtenu par l'injection des médications analgésiques conventionnelles (116).

Si certains chercheurs avancent l'hypothèse que zones gâchettes et points d'acupuncture ont vu le jour à la suite d'une démarche empirique identique (258), dans l'École interactionnelle, une nouvelle forme d'intervention thérapeutique se dessine. Ces zones gâchettes, situées dans des dermatomes spécifiques, offrent à vos clients un moyen convivial et simple de créer une analgésie temporaire et ce, sans l'utilisation d'un appareillage ou d'un professionnel (380). Une façon simple d'augmenter leur croyance, et dans leurs capacités d'autotraitements, et dans leur niveau d'efficience personnelle : le but thérapeutique de cette leçon (tableau 13.1). Pour toutes ces raisons, indiquez donc votre préférence particulière pour " l'aspirine musculaire " en soulignant ses avantages par rapport au TENS. Laissez ensuite vos patients choisir le moyen le plus efficace et celui qui convient le mieux à leurs croyances personnelles.

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