Sur le plan théorique, j'apprends :

  • quelques étapes qui conduisent à la « réalité » d'un lombalgique chronique.

Sur le plan pratique, je fais :

 

Dans ma vie de tous les jours, je m'entraîne :

Je vérifie maintenant mes connaissances en répondant au questionnaire.

Je rebâtis mon propre capital de malheur...

À ceux qui souhaitent une progression pédagogique graduée par un auteur d'expérience, nous offrons les exercices suivants. Ils sont destinés à vous aider à rebâtir un capital suffisant de malheur pour éponger la totalité de la dette accumulée par les inconvénients nécessairement rattachés aux précédentes stratégies de changement. À partir de cette nouvelle réalité, il ne vous reste plus qu'à faire fructifier dans ce milieu propice, la semence de votre choix.

Exercice 1 : le citron...

Confortablement installé dans un fauteuil, de préférence muni de vastes accoudoirs, je ferme les yeux et j'imagine que je mords dans une grande tranche de citron bien juteuse. Avec un peu de pratique, ce citron imaginaire doit me faire venir l'eau à la bouche.

Exercice 2 : les souliers...

Toujours assis dans le fauteuil, je fais passer ma pensée du citron aux souliers que je porte. Il ne devrait pas s'écouler un temps très long avant que je ne commence à me rendre compte pour la première fois de ma vie peut-être, que le port de souliers est éminemment inconfortable. Même si je croyais jusqu'à cet instant posséder des souliers parfaits, je ne tarde pas à prendre conscience d'innombrables défauts désagréables : points de pression, friction, torsion des orteils, lacets trop serrés, chaleur, froid et ainsi de suite. Je répète l'exercice jusqu'à ce que le port de souliers, de nécessité banale qu'il était jusqu'alors, se transforme en insupportable corvée. J'achète une paire de souliers neufs pour constater que, quel que soit le soin que j'apporte à les choisir de la bonne pointure, ils ne tardent pas à produire les mêmes désagréments que les précédents.

Exercice 3 : pour les yeux...

Toujours assis, je regarde le ciel par la fenêtre. Avec un peu de chance, je vois apparaître dans mon champ visuel, une myriade de cercles minuscules semblables à des bulles. Si je garde le regard fixé droit devant moi, je constate que les bulles descendent lentement  pour peu que l'on cligne des yeux, elles remontent précipitamment. Je remarque que ces bulles augmentent en nombre et en taille si je concentre ma pensée sur elles. Aurais-je contracté quelque affection oculaire sournoise ? Je consulte un ophtalmologiste. Ce spécialiste s'efforcera d'expliquer qu'il s'agit d'un phénomène banal et inoffensif qui ne mérite pas de s'inquiéter : ce sont des phosphènes. Je dois tenter alors de me convaincre que le pauvre homme était au lit avec des oreillons quand cette maladie fut étudiée du temps de son passage en faculté ou encore que, par pure bonté d'âme, ce spécialiste ne souhaite pas désespérer un patient en lui révélant brutalement le caractère incurable de sa maladie.

Exercice 4 : pour les oreilles...

Pour ceux qui auraient du mal à atteindre l'objectif fixé par l'exercice 3, la situation n'est pas désespérée : les oreilles offrent une occasion comparable. Je m'enferme dans une pièce calme. Au bout de quelques instants, je devrais prendre conscience d'un bourdonnement, d'un sifflement, ou de quelque autre bruit également monotone. Dans les situations ordinaires de la vie quotidienne, ce bruit de fond n'est pas perçu, masqué par le vacarme qui nous entoure. En y prêtant suffisamment attention, je l'entendrai de plus en plus fréquemment et de plus en plus fort. J'irai consulter. À partir de là, agir comme pour l'exercice 3. Une seule différence : le praticien tentera de minimiser le bruit en le baptisant cette fois « acouphène » !

Après cet entraînement de base, vous pouvez maintenant aborder la réalité des maux de dos. Il suffit de choisir les cartes que vous souhaitez utiliser.

Exercice 5 : pour la carte musculaire

Toujours assis dans un fauteuil, mais cette fois légèrement penché vers l'avant, je fais passer ma pensée du soulier que je porte à la musculature de mon dos. Après un délai très bref, je découvre, avec une surprise amusée, que les muscles lombaires, ceux du cou ou de l'arrière des omoplates commencent à picoter. En mobilisant ma pensée autour de ces démangeaisons, je ne tarde pas à prendre conscience des innombrables petits points de pression, de friction, de tension ou de torsion qui assaillent l'ensemble de ma musculature dorsale. Je répète cet exercice six fois par semaine, une semaine durant. Mon dos entier, d'instrument banal de maintien de la posture qu'il était auparavant, se transforme petit à petit en un insupportable outil de torture. Bien ! La semaine suivante, je m'allonge. Je constate avec ravissement que, même débarrassé de la pesanteur, une préparation mentale soigneuse ne tarde pas à déclencher dans ma musculature postérieure des désagréments identiques à ceux obtenus précédemment en position assise.

Exercice 6 : pour la carte facettaire

Si je dispose de suffisamment de temps, je peux passer par toutes les étapes précédentes. Dans le cas contraire, je pratique cet exercice directement après celui des souliers (exercice 2). Quelle que soit mon option, un choix judicieux des programmes de télévision facilite l'atteinte des objectifs poursuivis : catastrophes écologiques, meurtres à la une, scandales politiques permettent d'établir les bases sur lesquelles édifier une nouvelle réalité.

Toujours assis, cette fois sur un tabouret sans dossier, j'effectue une légère extension vers l'arrière avant de faire déplacer ma pensée du soulier que je porte vers mon dos. Il est préférable d'accompagner cette extension d'une rotation et d'une inclination du côté douloureux. Je ferme les yeux et je contracte mes muscles. Je me persuade de l'éminence de la paralysie. J'imagine le pire, l'impossible même. Un fauteuil roulant se détache lentement sur l'arrière-fond de mes sombres pensées. Il glisse doucement vers moi. Je le visualise nettement : étincelant et froid. De la tête aux pieds, je crispe tout. Une fois à bord, impossible d'en redescendre : fini jardin, rénovations ou sports familiaux. La sinistrose ! Je reprends cette préparation mentale soigneuse trois fois par jour, une semaine durant. Opportunité unique pour que, tel une coulée de feu, le spasme musculaire localisé protégeant la facette lésée s'étende peu à peu le long de la colonne vertébrale. Pour conquérir un statut correspondant à cette nouvelle réalité, je reprends la suite de cet apprentissage à l'exercice 9.

Exercice 7 : pour la carte discale

Si je dispose de suffisamment de temps, je passe par les étapes 1 à 5. Dans le cas contraire, je pratique cet exercice directement après celui des souliers (exercice 2). Quelle que soit mon option, une bonne dose de « sinistrose » reste indispensable à sa réussite. Assis le plus inconfortablement possible sur un siège dépourvu de dossier, la tête entre les mains et le tronc incliné vers l'avant, je ferme les yeux . Ma pensée des souliers que je porte à mon dos. J'ouvre maintenant bien grandes les digues aux flots de ces images qui submergent mes arrière-pensées. Bien contracturé, respiration bloquée, je prends le temps de visualiser d'horribles lutins noirs. Ils se faufilent hors du disque blessé, dévalent des contractures musculaires environnantes ou dégringolent le long des voies de communications nerveuses. Ils attaquent maintenant en rangs serrés. Raide et le souffle court, spectateur impuissant, j'assiste au carnage. À la pelle, à la pioche, à la hache, et certains même avec les dents, ces monstres détruisent peu à peu ma moelle épinière, ce canal vital acheminant l'information nécessaire au fonctionnement de mes centres nerveux.

Quelques répétitions isolées n'assurent pas la réussite parfaite de cet exercice. Pour le terminer comme il se doit, en sueur et le coeur battant, la pratique quotidienne reste indispensable. Six fois par semaine ! Il n'est pas donné à tout le monde de visualiser instantanément ce petit fauteuil étincelant acheminant en cahotant un paralytique misérable vers son pitoyable destin. Pour conquérir le statut correspondant à cette nouvelle réalité, je reprends la suite de cet apprentissage à l'exercice 9.

Exercice 8 : pour la carte issue des racines nerveuses

Les cartes discales s'offrent comme un pré-requis unique pour ces douleurs. Je me reporte à l'exercice 7 puis je passe à l'exercice 9.

Exercice 9 : pour accéder à un statut correspondant à cette « nouvelle » réalité

Il ne me reste plus qu'à consulter (en tenant compte des précautions mentionnées plus haut). On essaiera de minimiser les douleurs, désormais insupportables, que je ressens. J'insiste. Habituellement, les effets secondaires des médications prescrites combinées à la participation active de mon entourage permettent d'établir définitivement cette réalité. Restons vigilants : ce n'est pas une raison pour abandonner immédiatement des pratiques mentales aussi fructueuses !

Exercice 10 : pour dépasser même cette « nouvelle » réalité

Je suis désormais suffisamment entraîné et définitivement assez talentueux pour passer maintenant d'une réalité de lombalgique à la véritable conquête du malheur. Je commence par les feux réglant la circulation. J'ai déjà remarqué leur tendance à demeurer au vert tant qu'on en est éloigné, pour passer brusquement à l'orange puis au rouge à l'instant même où je m'en approche. Si je parviens à résister à la voix de la raison, qui souffle qu'en moyenne, je dois rencontrer autant de feux verts que de rouges, je suis sur la bonne voie. Il ne reste plus, sans trop savoir comment, qu'à m'arranger désormais pour additionner tous les nouveaux feux rouges à ceux qui m'ont déjà contraint à m'arrêter dans le passé, tandis que les feux verts cesseront tout bonnement d'impressionner ma conscience. Très vite, un soupçon prendra corps dans mon esprit : je me heurte à des pouvoirs hostiles et inconnus dont les manigances, loin d'être limitées à mon dos, au territoire de la ville, voire de la région dont je suis originaire, ont la faculté de suivre partout leur victime, fut-ce à Oslo ou à Los Angeles. Ceux qui ne conduisent pas pourront découvrir que leur file d'attente à la poste ou à la banque est toujours celle qui avance la plus lentement ou que leur avion décolle toujours de la porte d'embarquement la plus éloignée du comptoir d'enregistrement.

La suite de cet apprentissage dépasse malheureusement les limites modestes du cadre imparti à ces « chemins de la guérison ». Mais la reconquête de votre propre malheur peut se poursuivre dès aujourd'hui à partir de ce camp de base solidement implanté sur les contreforts de la douleur lombaire chronique...

À ce sujet, un excellent guide conçu par Paul Watzlawick : « Faites vous-même votre propre malheur », Seuil, 1984 peut vous aider à poursuivre ce cheminement.

Mes stratégies personnelles

J'identifie à l'aide d'un (x) les éléments qui m'apparaissent comme les plus pertinents pour me permettre de rétablir mon statut de lombalgique.

Concernant ma préparation physique, j'abandonne :

mes échauffements préalables

toute préparation physique

tous mes exercices de verrouillage du bassin

mes renforcements abdominaux

le renforcement de mes quadriceps

mes renforcements dorsaux

les étirements des muscles de l'arrière de mes cuisses

les étirements de mon dos

les étirements des fléchisseurs du bassin

toutes mes activités sportives

mes exercices de vigilance

ma mobilisation physique contre la douleur

Concernant ma préparation mentale, j'abandonne :

mes techniques de relaxation

ma mobilisation mentale contre la douleur

Concernant le terrain, j'abandonne toutes précautions concernant les embûches et contraintes :

sur mes muscles

sur mes facettes

sur mes disques

sur mes racines nerveuses

Concernant mon statut de lombalgique, je reprends quelques rôles sociaux profitables comme :

le toxico

le mytho

l'agressif

l'infantilisé

le déprimé

l'obstiné

l'irresponsable

le vampire.

le mercenaire

autres...

Concernant ma douleur chronique, je m'assure de la récupérer  :

en ignorant les inconvénients qui vont inévitablement surgir à l'approche de la guérison (ou d'une amélioration sensible)

en ne trouvant pas de solutions visant à éliminer les inconvénients de la guérison

Concernant ma douleur chronique, je la maintiens grâce aux effets secondaires des médicaments suivants :

les narcotiques

les barbituriques

les tranquillisants et les anti-anxiolytiques

les antidépresseurs

les anti-inflammatoires

Concernant mon efficience personnelle, je la réduis au maximum en :

reprenant des traitements à base d'injections

suivant des traitements exotiques

collectionnant des objets destinés à ma guérison

dénigrant toute forme d'auto-traitement

créditant mes médicaments pour les progrès que je fais.

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