À la reconquête des douleurs musculaires

Ces suggestions sont sans prétention. Elles vous aideront à rebâtir vous-même votre capital initial de malheur.

 

 

Sur les chemins de la guérison subsiste une interrogation. Elle est préoccupante : sauriez-vous, seul, rebrousser chemin ? Oui, bien sûr ! 

Mais pourquoi choisir de faire volte face ? La raison est simple : en parcourant les chemins de la guérison, vous diminuez considérablement vos douleurs lombaires. Au point même de les faire disparaître parfois complètement. L'urgence d'agir qui, hier, accompagnait la lombagie diminue. Vous oublierez que ce sont les tactiques d'aujourd'hui qui vous protègent des douleurs lombaires de demain.

Pour recréer des conditions favorables à l'apparition puis au maintien des lombalgies chroniques, voici quelques suggestions. Elles sont sans prétention. Elles vous aideront à rebâtir vous-même votre capital initial de malheur.

 

Quelques pistes

L'inaction ? Voilà la solution à tous vos problèmes de musculation !

L'inactivité physique

La voie la plus directe emprunte les pistes de l'inactivité physique. Arrêtez tout et tout de suite mais n'en espérez aucun résultat immédiat.

L'entraînement des semaines précédentes joue contre vous. Patientez un mois ou deux ! Surtout n'offrez aucune nouvelle chance à votre musculature. Au diable les manoeuvres conventionnelles ! Ces routines motrices ennuyeuses renforcent vos abdominaux, redonnent vie à vos dorsaux et étirent les muscles de l'arrière de vos cuisses. Pour soulager vos dorsaux ? Vous trouverez bien sur le marché un produit de consommation inédit. À défaut de cette nouvelle piqûre dont on dit déjà le plus grand bien, il existe sûrement depuis peu une pilule, une gélule ou une capsule. Vos abdominaux ? La télévision s'est récemment faite le porte-parole des miracles de la chirurgie esthétique. Faute de les renforcer, proposez au médecin de les raccourcir.

L'inaction ? Voilà la solution à tous vos problèmes de musculation !

Par la même occasion, refusez le repli dans l'imaginaire vicieusement suggéré par vos exercices de préparation mentale.

La préparation mentale

N'en négligez pas pour autant une préparation mentale soigneuse. Vouloir c'est mouvoir ! Multipliez les agents stresseurs pour remplacer les techniques exotiques de relaxation ou d'apaisement.

Des doses répétées de tension mentale excessive garantissent en contre-partie d'exquises contractures musculaires dorsales.

Pour une efficacité accrue, placez-vous dans les conditions les plus favorables à l'apprentissage de l'inefficacité de l'action. Ces situations exigent l'abandon de toute alternative personnelle face à la douleur.

Par la même occasion, refusez le repli dans l'imaginaire vicieusement suggéré par vos exercices de préparation mentale.

Comme un cobaye démuni ballotté dans sa cage au gré des punitions et des récompenses infligées par de lointains geôliers, redécouvrez les vertus de la résignation apprise et les mérites de l'attente en tension.

Toute tentative d'action sur l'environnement vous fait perdre un atout essentiel. Renoncez-y ! La déconnexion mentale pratiquée le long des chemins de la guérison facilite cette évasion ? N'y songez plus ! Pour rafler toute la mise rattachée aux cartes de la douleur musculaire, l'important c'est la surchauffe motrice globale. Résignez-vous ! Combats interdits, issues barricadées et fuite dans l'imaginaire impossible : voilà déjà une excellente stratégie.

Carte musculaire dites-vous, mais pas n'importe laquelle ! Vous souhaitez certes une douleur présente, récidivante, et bien vivante  mais aussi une douleur dont les racines plongeraient à même vos lombaires car, sans quelques précautions d'usage, vous pourriez échouer sur l'une ou l'autre de ces réponses inadaptées et mal définies. Tout en enrichissant le patrimoine de vos propres malheurs, elles n'en restent pas moins trop peu spécifiques pour être entièrement satisfaisantes.

À quoi bon aboutir à un mal de tête douteux, à un torticolis suspect ou à une douleur irradiante dans le bras quand l'objectif final reste tout simplement la lombalgie chronique ? Pourquoi vous contenter de cette anxiété liée à un malaise non spécifique quand vous aspirez modestement à une brûlure de choix dans le bas du dos ? Comme aux échecs, pour rester maître de la partie, il faut anticiper l'évolution future du jeu.

 

Un parcours type vers la carte musculaire

 

Sur le terrain

En vous libérant de la plupart des tâches exigeant le moindre effort physique, les progrès technologiques travaillent en votre faveur.

Devenu aujourd'hui « homo sedens », l'homo sapiens d'hier passe, comme vous, la plupart de son temps assis et immobile. Il ne se déplace plus mais, toujours plus vite et toujours moins actif se fait transporter.

Une immobilité de surface, elle cache les remous et les contre-courants qui, en profondeur, charrient des contractions statiques et des raccourcissements musculaires locaux. Utilisés judicieusement, voilà d'excellents moyens de parvenir à vos fins.

Objectif, le bas du dos ? Ne perdez pas votre temps à taper sur un clavier comme cette secrétaire mal positionnée. Vous n'y gagneriez que quelques brûlures dorsales localisées au niveau des omoplates. Beaucoup trop haut ! Soignez votre posture. Ce plan de travail, trop bas et trop éloigné de votre chaise, vous oblige-t-il à une flexion continuelle vers avant ?

Excellent, mais à condition de persévérer dans cette position!

Même muni de ces atouts incontestables, la partie n'est pas jouée d'avance pour vous. Inutile de gaspiller vos cartes si vous n'obtenez pas pour chacune d'elles le support de votre entourage. Après avoir péniblement réussi à déclencher vos premières attaques musculaires correctement localisées, ne cherchez surtout pas à modifier votre poste de travail  au contraire, faites-vous systématiquement porter malade.

À la maison, de bonnes douleurs musculaires doivent immédiatement vous dispenser de toutes corvées domestiques. Pour passer le balai, il faut s'étirer, pour faire la vaisselle demeurer longtemps en position debout. Attention à l'action ! Tout retour à une fonctionnalité normale diminue considérablement vos chances ultérieures de récidive.

Et faire l'amour ? Danger ! En mobilisant le bassin et en libérant vos pulsions sexuelles, vous risqueriez d'y prendre goût et, par mégarde, de vous guérir vous-mêmes.

 

Pour les douleurs musculaires,
la meilleure solution reste encore l'hôpital

 

Les cartes musculaires ont mauvaise presse. Pas trop de mots pour souligner vos maux.

Aucune possibilité de diagnostic définitif dans les douleurs musculaires chroniques. Rien, ni sur les radios ni sur les vidéos. Et habituellement, en vous confinant au repos, on vous confirme dans vos positions de malade : une prescription efficace pour qui vise une chronicité sérieuse de ses douleurs musculaires.

Mais attention, la partie n'est pas jouée d'avance. Certains praticiens se méfient des cartes, parfois biseautées, de la douleur musculaire. Répétez votre rôle en restant consistant dans la description de vos maux. D'accord pour une douleur sourde et mal localisée dans la partie basse du dos. Mais n'en rajoutez pas ! Attention aux irradiations douteuses dans les membres. Vous jouez gros en prétendant à une carte musculaire lombaire tout en appuyant vos plaintes sur une irradiation douloureuse dans les bras ! Ces gens-là ne croient plus guère ni au libre échange ni à la libre circulation des énergies !

Les cartes musculaires ont mauvaise presse. Pas trop de mots pour souligner vos maux.

Abandonnez le plaidoyer sur votre enfance malheureuse pour jouer, en non verbal, un acte douloureux tout en grimaces et en nuances corporelles. Pas de crainte à avoir envers le généraliste  bon public, ce professionnel vous auditionnera avec sympathie. Le masque intense de la douleur attire sa sympathie. Mais gare aux spécialistes : certains sont des critiques retors !

L'objet qui traîne dans la salle de consultation et qu'il vous propose sournoisement de ramasser, après avoir longuement compati sur votre blocage lombaire, ne surprend que les moins bien préparés. Par contre, la petite aiguille, cachée innocemment dans le creux d'une main et promenée sur la jambe ou la cuisse, reste une manoeuvre redoutable de diversion pour ceux qui maîtrisent mal leur partition sur la distribution des territoires sensitifs ou moteurs. Comme consécration, vous propose-t-on maintenant de passer une myélographie ? Exigez sans hésiter une entrevue au scanner ! Ni l'un ni l'autre ne permettent de diagnostiquer les douleurs musculaires, réelles ou artificielles. Mais le scanner reste bien moins douloureux !

Des souffrances d'accord, mais pas au prix de douleurs inutiles.

En échange de quelques risques, somme toute minimes, vous obtiendrez probablement des médicaments. Au moment critique de la prescription, jouez à fond la carte de la douleur aiguë. Question de doigté et de nuances. Même après en avoir contesté l'origine musculaire, personne n'osera récuser vos douleurs. La raison en est simple : sans votre participation, il est impossible d'évaluer son intensité. Manifestez franchement vos préférences. Plutôt des narcotiques que ces inutiles relaxants musculaires suggérés à prime abord. Les narcotiques établissent bien la chronicité. Vous les refuse-t-on ? En dernier recours, négociez pour des antidépresseurs ou, au pire, des somnifères. Quittez-vous la consultation munis de simples antalgiques ou d'un banal anti-anxiolytique ? Il y a mal donne ! Par contre, en passant triomphalement cette audition, vous tenez dans vos mains, et pour longtemps, une combinaison gagnante.

Appuyé sur un programme soigneux d'inactivité motrice et un statut de lombalgique qu'une médication adaptée vient étayer, cette stratégie, accompagnée d'une attitude mentale appropriée, facilite votre périple de retour sur les chemins de la lombalgie chronique.

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