À chacun son destin

Douleur aiguë et message plus ambigu

Toute attaque dorsale d'envergure s'accompagne d'une douleur aiguë. Avec le temps, le message devient plus ambigu.

(1)

À partir d'un même faux mouvement, d'un même message douloureux, comment expliquer qu'après trois jours de repos, les uns soient encore « sur le dos » et les autres de nouveau au boulot ?

Dans le cas d'une tragédie aérienne, le contenu de la « boîte noire » permet de reconstituer les détails de l'accident. Dans la perception de la douleur, le cerveau joue aussi le rôle d'une boîte noire. Son décodage permet de mieux comprendre l'évolution difficile de certaines lombalgies. Reprenons.

Lors d'un faux mouvement les nerfs sensitifs lancent un message : SOS Douleur ! Muscles, ligaments, facettes, disque, déséquilibre lombaire ou racines nerveuses, peu importe l'origine.

 

(2)

Transit : la moelle épinière.

(3)

Destination : le cerveau. Coup de poignard, souffle coupé, sueurs froides.

Reçu 5 sur 5. Et la réponse, sous forme d'une intense contraction musculaire réflexe, ne se fait pas attendre.

Comme un frein d'urgence, ce mécanisme immobilise les articulations.

 

(4)

Son rôle ? Éviter le télescopage des facettes articulaires ou les lésions de la partie blessée.

Ce freinage laisse quelques traces. Le cerveau les enregistre. Penchés sur cette boite noire, les experts chargés de déchiffrer le message restent perplexes.

Le SOS initial a disparu. Une perception douloureuse l'a remplacé.

À chacun son dessin

La dame en noir: vieille dame ou jeune femme?

(5)

Et dans la perception douloureuse, c'est comme dans la perception visuelle : les uns y voient une vieille dame...

(6)

les autres une jeune femme.

À chacun son dessin, à chacun son destin !

(7)

Fausse manoeuvre banale pense l'un : repos, bain chaud, dodo. Après quelques mobilisations prudentes, la contraction réflexe s'efface aussi facilement qu'une crampe au mollet.

Seul témoin de l'accrochage initial : une petite éraflure. Elle entretient, quelques jours encore, une inflammation locale désagréable. Banal, qui se préoccupe d'une simple égratignure.

Chez ceux-là, la perception douloureuse s'éteint rapidement après le message initial.

SOS et coup de frein identique chez un autre. Après ? Catastrophe : deux mois de repos forcé.

Dans la boîte noire, voici les traces du dialogue intime que décoderaient des experts chargés de l'enquête : foutu... fini... paralysie à vie... maladie foudroyante... cancer... SIDA ...

(8)

Ces interférences brouillent le message initial. Elles alimentent l'anxiété qui, à son tour, amplifie la contraction musculaire locale.

Et cette dernière entretient la souffrance. Conséquence ? L'anxiété augmente encore... et la contracture aussi.

L'inflammation locale s'étend comme la rouille sur une partie abîmée.

Encore heureux qu'il ne faille pas mettre la pièce à nu sur une table d'opération pour sabler la structure !

La perception douloureuse renaît constamment des cendres du message initial. La douleur devient souffrance.

« Mais j'ai mal ! »

À court terme, appuyez-vous sur la béquille pharmacologique.

À plus long terme, soignez votre préparation mentale. Profitez aussi de cette période d'inactivité réparatrice pour planifier soigneusement une contre-offensive d'envergure.

Rien ne presse. Vous êtes, pour quelques jours, sur le dos et sur la défensive...

Retour en haut